Tour de France: Eduardo Sepulveda, l’Argentin préféré de la Bretagne

Au départ du 102e Tour de France, l’équipe française Bretagne-Séché Environnement dispose d’un leader argentin, originaire du « Grand Sud » de l’Argentine. Eduardo Sepulveda est le troisième coureur de ce pays, qui n’a pas forcément une grande culture cycliste, à participer à la Grande Boucle. Portrait d’un jeune homme qui a une revanche à prendre sur la vie et que l’on va suivre durant ces trois semaines.

De notre envoyé spécial sur le Tour de France,

Assis sur une petite chaise noire, le torse nu et les côtes visibles, Eduardo Sepulveda tente de se protéger du soleil de plomb qui noie Utrecht, dans le centre des Pays-Bas. A l’ombre du bus de son équipe, au départ de la première étape du Tour, il attend son heure. En fin d’après-midi un samedi 4 juillet, le natif de Rawson s’est élancé pour son premier Tour de France. Un rêve d’enfance. Même un peu plus.

Une passion tragique

L’histoire de Sepulveda est touchante. Faire du vélo, au fin fond de la Patagonie, dans une des régions les moins peuplée du monde mais deux fois plus grande que la France, c’est rare. Sa passion, il la doit à son père, lui aussi prénommé Eduardo. Chez lui, à Rawson, tout le monde faisait du vélo, y compris sa sœur jumelle. Mais il est le seul à avoir persévéré dans cette discipline. A 16 ans, Eduardo, surnommé « Edu », se retrouve orphelin de père. L’histoire est tragique : alors qu’il part avec lui pour un périple de 1300 kilomètres pour une compétition, la voiture fait une terrible embardée. Le père, 47 ans, est tué. Lui survit. La vie continue.

« Je me sens bien et je ne suis pas trop stressé », raconte aujourd’hui le jeune homme dans un français parfait. Ce moment, il l’attendait depuis si longtemps. « Ma mère m’a appelé hier. Je me souviens quand on regardait ensemble en famille le Tour de France. La seule course que l’on pouvait voir à la télévision. J’ai encore du mal à imaginer ». Mais Sepulveda est bel et bien là et il savoure. Si le football est le sport-roi en Argentine, la Grande Boucle est tout de même très suivie. Lui, fan de Boca Juniors, a quand même joué au foot jusqu’à 13 ans.

Au moment de poser ses roues sur la rampe du contre-la-montre, Sepulveda a eu une pensée encore plus forte pour son père. « On a fait beaucoup de choses ensemble. Si je suis ici, c’est en grande partie grâce à lui ». Avec le paternel, il a même fait 6000 kilomètres pour participer à une course dans le nord du pays. Entre les discussions pour tuer l’ennui de ces heures de voiture, il devait faire ses devoirs. Papa voulait qu’il réussisse à l’école. « Il s’est occupé de tout », dit-il d’une voix presque inaudible. « Edu » a bien du mal à en parler et avoue que c’est difficile d’être loin de chez soi.

De la Cordillère des Andes aux Alpes

En Argentine, les courses sont rares et c’est finalement pas si accessible financièrement. De plus, il faut s’expatrier pour réussir. Et les problèmes de visa freinent pas mal de prétendants. Sepulveda a eu de la chance. En 2012, il arrive en Europe pour intégrer le Centre mondial du cyclisme à Aigle, en Suisse. L’endroit où l’on tend la main aux meilleurs représentants des « petits pays » du cyclisme. Il y découvre les Alpes et les courses en peloton.

« Pour nous, cela a été une énorme surprise, explique Jean-Jacques Henry, l’entraîneur d’Aigle. Arrivé ici, il avait très peu d’expérience sur route. Mais avec son intelligence et ses qualités de rouleur, il a réussi assez vite. Et avec son gabarit, on a même travaillé pour qu’il grimpe bien. Ce qui va lui permettre de ne pas perdre trop de temps dans les courses à étapes. Il est encore tout jeune et on verra dans deux ou trois années ce qu’il vaut. Mais il veut réussir car il a une revanche à prendre sur la vie ».

Après un stage à la Française des Jeux, Eduardo Sepulveda signe avec Bretagne-Séché Environnement en 2013. « C’est certainement le Breton préféré des fans de cyclisme argentin. C’est un grimpeur et un très bon puncheur. Il a toutes ses chances pour aller décrocher une étape. Son directeur sportif considère que c’est une petite perle et j’espère qu’il va confirmer », raconte Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France.

Sur cette édition 2015, Eduardo Sepulveda a l’ambition de bien représenter sa famille et son Argentine natale. « Je vais tout faire pour être dans les quinze premiers même si ce n’est pas évident pour une première participation ».

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