La question n'est plus « sera-t-il la prochaine star française de la NBA ? » mais « quand le sera-t-il ? ». Depuis le début de l'année 2015, la réponse ne fait plus guère de doutes, tant les Américains raffolent de leur « Gobzilla » et « Stifle Tower », ces surnoms attribués par les fans et médias de la Ligue, d'ordinaire réservés aux plus grandes vedettes du championnat. Nouvelle attraction médiatique, fort de ses multiples contres, rebonds et dunks affolants, Rudy Gobert a franchi un énorme palier. Dire qu'il n'a que 22 ans...
Un temps intrigués par la taille (2m16), les longs bras et l'incroyable envergure (2m36) du jeune pivot du Jazz, les suiveurs de la NBA ont découvert un fantastique défenseur, cantonné au banc de touche l'an passé lors de sa première saison à Utah, capable d'alterner à une rapidité peu commune pour un intérieur, les actions défensives d'éclat et de longues courses conclues par de spectaculaires paniers qui alimentent presque quotidiennement les fameux Top 10. « Suis-je satisfait de mes performances ? Honnêtement, non. Je peux mieux faire, beaucoup mieux. Surtout, je joue pour gagner, c'est ma préoccupation numéro un », clame l'intéressé, auteur quelques heures plus tôt d'une nouvelle rencontre de choix, avec 9 points et 22 rebonds (!) en 30 minutes lors du large succès de son équipe face à Charlotte (94-66).
Le Jazz, meilleure équipe NBA depuis que Rudy Gobert est titulaire
Modeste, Rudy Gobert mérite pourtant les éloges. Sélectionné pour le match des « rookies » opposant les meilleurs jeunes de la Ligue mi-février, une première depuis Tony Parker en 2003, celui qui avait maté les frères Gasol en quart de finale du Mondial 2014 avait alors crevé l'écran avec 18 points et 12 rebonds. Face aux caméras qui découvraient, pour la plupart, le natif de Saint-Quentin, Rudy Gobert avait réussi à grimper de plusieurs marches dans l'opinion américaine durant ce All-Star week-end propice au spectacle. Et ce n'était que le début.
Conscient du potentiel du bonhomme, Quin Snyder, coach du club de Salt Lake City depuis cet été, a préféré envoyer le Turc Enès Kanter, prodige offensif de 22 ans, à Oklahoma pour libérer une place dans le cinq majeur au Français. Un choix judicieux et récompensé, depuis, par 11 victoires en 13 matchs, le meilleur bilan tout simplement de la NBA. « Je ne me rappelle pas d'avoir eu une telle relation avec un coach depuis que je joue au basket, explique Rudy Gobert. C'est bizarre, mais j'ai parfois l'impression qu'il est dans ma tête. On a la même philosophie du basket. Il est très pointilleux, passionné. Grâce à lui, j'ai fait énormément de progrès, sur le terrain mais aussi d'un point de vue mental. Je ne pouvais pas rêver mieux ».
Futur défenseur de l'année ?
Les hésitations, perpétuelles, de Joakim Noah pour rejoindre l'équipe de France cet été ne doivent certainement plus polluer l'esprit du sélectionneur Vincent Collet. Du moins, pas au même niveau que ces dernières années. Depuis plusieurs mois, Rudy Gobert, déjà surprenant voire héroïque en Espagne lors du Mondial, affole les compteurs. En mars, Gobert pointe à 17,9 rebonds et 10,8 points en moins de 36 minutes (huit matchs) et talonne même DeAndre Jordan au classement des meilleurs gobeurs de ballon sur ce même mois (18,6 rebonds pour le pivot des Clippers). « Etre titulaire faisait partie de mes objectifs. Mais je ne pouvais pas deviner à quel moment cela allait intervenir. Est-ce frustration de ne l'être que maintenant ? Pas vraiment, assure le numéro 27 des Jazz, auteur d'une pointe à 24 rebonds contre Memphis il y a quelques jours, record en carrière. Les défaites en début de saison ont fait progresser l'équipe et moi-aussi. Certes, j'étais frustré de moins jouer, mais je suis resté concentré et professionnel ».
Que peut espérer à présent Rudy Gobert au sein d'une jeune formation éliminée prématurément de la course aux play-offs dans une conférence Ouest très relevée mais diablement prometteuse ? « Certaines équipes commencent à avoir chaud aux fesses, sourit Gobert. Dès l'an prochain, on pourra prétendre à une place en play-offs. On sent plus de respect de nos adversaires. On l'a vu contre Portland et San Antonio (deux victoires), on n'a rien à envier à ces équipes. On a de très bons joueurs très sous-estimés, mais qui vont devenir des superstars dans les années à venir ».
A court terme, une première récompense pourra bien échoir à l'international aux 21 sélections : le titre de meilleur défenseur de la saison, une place parmi la « NBA All-Defensive Team » comme Joakim Noah ces deux dernières années ou le trophée de Meilleure progression de l'année. « Bien sûr, cela me ferait plaisir. Dans ma carrière, je rêve de ces titres et d'être également sélectionné pour le All-Star Game. Mais je ne vote pas, je ne maîtrise pas ces paramètres ». Sur le terrain, en revanche, Rudy Gobert plane sur l'Amérique. Et rien ne semble l'arrêter.