L’expression est courante, parfois galvaudée mais colle parfaitement au Rudy Gobert d’aujourd’hui. De l’ombre à la lumière. Peu utilisé l’an passé pour sa première année en NBA, squatteur attitré du banc de touche des Jazz, le jeune pivot intriguait davantage par ses longs segments, son envergure et ses 2m15, que par sa présence sur les parquets. Mais un match allait tout changer : un quart de finale irréel lors de la Coupe du monde en Espagne en septembre 2014.
Après une saison plutôt décevante du côté d’Utah (2,3 points, 3,4 rebonds en 10 minutes), beaucoup imaginaient Rudy Gobert s’inscrire dans la lignée de ces intérieurs tricolores prometteurs (Petro, Ajinça) qui ont traversé l’Atlantique trop tôt avant de déchanter, ne découvrant les parquets qu’en fin de rencontre, dans le « garbage time », ce nom donné aux minutes insignifiantes restant à jouer lorsque le sort d’une partie est déjà décidée. Les sceptiques se sont bien trompés. Mais qui aurait pu parier sur un tel épanouissement et de tels progrès ?
L’éclosion face à l’Espagne au Mondial
Pour sa première compétition internationale avec l’équipe de France A, Rudy Gobert avait une lourde tâche sur les épaules : veiller, en l’absence des Noah, Ajinça, Turiaf ou Séraphin, à la raquette bleue. Une mission accomplie avec brio, les frères Gasol peuvent en témoigner.
A Madrid, l’ex-pépite du centre de formation de Cholet a écœuré ses vis-à-vis espagnols, multipliant les défenses héroïques et les actions de grande classe (5 points, 13 rebonds et un contre d’anthologie face à Pau Gasol) jusqu’à en faire perdre la voix des 15 000 supporteurs locaux, estomaqués par les qualités athlétiques de cet anonyme impressionnant. « Ce match m’a donné plus d’énergie, nous confie l’intéressé, ravi d’évoquer le parcours inoubliable de cette équipe de France finalement médaillée de bronze. Cela prouvait que je pouvais réussir. Surtout, les gens et mon coach en NBA ont vu ce que j’avais dans le ventre ».
« Mes adversaires commencent à avoir peur de moi »
Nouveau coach, nouvel vie. Depuis l’arrivée de Quin Snyder sur le banc de la franchise de Salt Lake City cet été, Rudy Gobert a littéralement pris son envol. Alors que ses statistiques ont au minimum doublé dans toutes les catégories (6,9 points, 7,3 rebonds et 2,2 contres en 22 minutes), le n°27 des Jazz surfe sur cet été magique et multiple les apparitions dans les Top 10 américains, à dose de dunks et contres spectaculaires. « Le contre me tient à cœur, j’en ai fait ma spécialité, avoue-t-il. C’est une question de fierté, je n’aime pas quand un joueur marque un panier facile. Je sens que mes adversaires commencent à avoir peur de moi. Dernièrement, j’ai remarqué qu’il y avait un plan de jeu différent lorsque je suis sur le terrain ».
Révélation de cette première partie de saison, Rudy Gobert ne laisse pas insensible les observateurs et coachs américains. Pour la première fois depuis 2003 (Tony Parker), un Français prendra part ce vendredi soir au Rising Stars Challenge, cette rencontre qui oppose les meilleures premières et deuxièmes années de la Ligue. « Cette reconnaissance me fait plaisir, mais ce n’est pas une fin en soi. Je suis fier de représenter la France ce week-end, mais j’espère que ma carrière ne se résumera pas à ce match. Un jour, je veux être all-star ». Les sceptiques n’osent plus le contredire.
L’Euro 2015 ? « Je serai présent »
« Je ne me préoccupe pas des calculs des journalistes. Vincent Collet a dit que Noah n’était plus indispensable ? Bien sûr, ça me fait plaisir. Ça prouve, indirectement, qu’il compte sur moi. Mais je compte sur lui aussi (rires) ! Je ne m’imagine pas rater cet Euro, je serai présent et je veux le gagner ! »