De notre envoyé spécial à Sao Paulo,
Mais où est passée la ferveur des Brésiliens pour leur sport national ? Mardi 10 juin, dans la grisaille et sous un crachin, la quatrième métropole du monde semblait bien indifférente au Mondial, à seulement deux jours du premier match entre le Brésil et la Croatie. Sao Paulo, centre économique et culturel du Brésil, vivait une journée ordinaire entre embouteillages et transports publics bondés. Mais contrairement à la journée précédente, le métro fonctionnait.
« On s’en fout de la Coupe du monde »
Depuis l’aéroport international jusqu’au centre ville, on s’attendait à de la ferveur. A part quelques drapeaux aux couleurs du pays sur quelques voitures, pas grand-chose à voir. Pour prendre la température de Sao Paulo, rien de mieux qu’une conversation avec un chauffeur de taxi. Les Brésiliens n’hésitent pas à donner leur sentiment sur cette Coupe du monde. Dans une circulation dense, au milieu des gratte-ciels, Renato est bien pessimiste. « On s’en fout de la Coupe du monde, lance-t-il tout en klaxonnant nerveusement. On veut de l’éducation, des transports de qualités. La Fifa profite de notre argent. Et nous, à la fin, nous sommes encore perdants. »
Au total, environ 11 milliards de dollars ont été investis dans l'organisation du Mondial. Et le stade Arena Corinthians, au cœur du quartier ouvrier d'Itaquera, ne sera pas prêt à 100% pour le match d’ouverture. Aujourd’hui, dernier jour des travaux, des centaines d’ouvriers étaient encore à l’œuvre. Jeudi, douze chefs d'Etat traverseront cette banlieue de 500 000 habitants pour assister au lancement de la Coupe du monde dans des conditions encore incertaines. Mais Renato ne sera pas de la partie. Pas les moyens, ni l’envie. « Ce soir-là, je vais travailler. Ce n’est pas le football qui va nourrir ma famille », marmonne ce quinquagénaire. Mais il prévient : « Si le Brésil ne gagne pas, ce sera la révolution. »
« Il vaut mieux construire un pays plutôt que des stades »
Difficile de trouver un autre son de cloche. Sur l’avenue Paulista, le centre d'affaires de Sao Paulo, juste à la sortie du métro, un graffiti attire l’attention. On peut lire : « La Coupe du monde de la corruption. » A côté, quelqu’un a écrit : « Il vaut mieux construire un pays plutôt que des stades. » Un peu plus loin, des employés du ministère de la Justice manifestent. Depuis plusieurs mois, plusieurs groupes sociaux et syndicats ont entamé des mouvements de grève ou de protestations, profitant de la visibilité du pays à l'approche du Mondial.
Ces employés du ministère de la Justice demandent des augmentations de salaire pour « suivre l’inflation ». Patricia, qui avoue ne pas s’intéresser au football, pense que le Brésil doit « gagner autre chose que le Mondial ». « Il faut remporter la bataille de l’éducation et de la santé », précise cette jeune fille.
A côté d’elle, Marcelo, la trentaine, ne souhaite pas une victoire du Brésil. « Je ne veux pas que notre gouvernement en tire profit. » Amateur de ballon rond, il n’hésite pas à dire que c’est la Coupe du monde la plus triste qu’il ait connue. « D’habitude, il y a de la ferveur et tout le monde porte le maillot de la Seleção [la sélection brésilienne, ndlr]». Pour s’en convaincre, il suffit de voir la tête des vendeurs de bricoles en tout genre à l’effigie du Mondial, quand on leur demande si les affaires tournent.
Faudra-t-il attendre la première victoire du Brésil face à la Croatie dans sa course pour le deuxième tour pour enfin voir de la joie sur le visage des Paulistes ?
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