De notre envoyé spécial en Turquie,
Nicolas Lefrançois a du mérite. A 26 ans, cet athlète diabétique depuis vingt ans a su séduire l’équipe américaine Novo Nordisk, basée à Atlanta. La formation est composée uniquement de coureurs atteints de cette maladie.
Diabétique. Et alors ?
En Turquie, entouré de paysages idylliques, il profite pleinement de sa première année dans le peloton professionnel. Dans les rues de Fethiye, au sud-ouest du pays, sous un soleil quelque peu voilé et devant des spectateurs médusés par le barnum d’un départ de course, il raconte volontiers son histoire.
Nicolas Lefrançois avait 11 ans quand il a commencé le VTT. A 17 ans, il est contraint d’arrêter car il travaille le dimanche et ne peut plus faire de compétition. Le grand gaillard se met à la boxe. Mais l'appel de la « petite reine » est plus fort. Il reprend finalement le cyclisme sur route à 24 ans. Doué, malgré son diabète, il ne lui faut que deux saisons chez les amateurs pour décrocher son premier contrat.
Au culot, ce Normand d’origine a tout simplement envoyé un courrier à l’équipe Novo Nordisk, basée à Atlanta, pour tenter l’aventure. Depuis cette saison, Novo Nordisk n’est désormais composée que de coureurs diabétiques. Elle compte dans ses rangs plusieurs nationalités, dont l'Espagnol Javier Megias qui est seul diabétique à avoir couru un Grand Tour.
« C’est vrai, je vis un rêve »
« Dans les autres équipes, ce n’aurait pas été simple de faire avec cette maladie. Dans la nôtre, nous avons tous ce problème, explique ce coureur calme et serein. L’équipe nous aide beaucoup pour gérer notre diabète. On ne peut pas toujours réussir à contrôler notre maladie, mais avec une bonne hygiène de vie, c’est possible. Il faut manger correctement et ne pas boire d’alcool ».
Avant de proposer un premier contrat professionnel à Nicolas Lefrançois, Novo Nordisk l’avait pris en stage l’an dernier. Ce qui lui avait permis ensuite de participer au Tour du Rwanda. Il s’était classé deuxième de la première étape, lors du contre-la-montre dans les rues de Kigali. « C’est vrai, je vis un rêve, mais il faut beaucoup travailler », avoue ce coureur élancé. « Quand je finis une course, c’est déjà une réussite ».
Une réussite qu’il partage avec un autre Français, Charles Planet, également présent sur ce 50e Tour de Turquie. On avait croisé les deux hommes à l’aéroport Charles de Gaulles de Paris au moment où ils s’apprêtaient à se rendre en Turquie. Et les deux compères ne s’étaient pas quittés d’une semelle. « On se soutient. On fait les voyages ensemble. Comme je ne suis pas très bon en anglais, il m’aide beaucoup », concède Lefrançois.
347 millions de diabétiques dans le monde
Aujourd’hui, Nicolas Lefrançois est devenu par la force des choses un vrai globe-trotteur. Après la Turquie, il s’envolera pour le Tour de Californie. « Au final, j’ai l’impression de ne plus être diabétique car je n’y prête plus trop attention », concède-t-il. Mais il ajoute tout de même : « C’est une maladie difficile et quand ça vous tombe dessus… »
L’Organisation mondial de la santé (OMS) a recensé pas moins de 347 millions de personnes diabétiques dans le monde. L’OMS prévoit qu’en 2030, le diabète sera la septième cause de décès à travers la planète. « C’est possible de vivre avec cette maladie et de faire du sport de haut niveau. Mais forcément il y a des contraintes. On veut montrer que nous sommes capables de faire aussi bien que ceux qui ont la chance de ne pas être atteint par ce nouveau fléau », résume le sprinteur.
Avant le départ de la quatrième étape, personne dans le public ne se doute de la maladie de Nicolas Lefrançois. La seule chose qui pourrait éventuellement surprendre, c’est la crête qu’il porte fièrement sur le crâne et le tatouage qu'il arbore fièrement au bras.