Au Tour de Turquie, l’Ukrainien Yuri Metlushenko s’inquiète pour son pays

Pour certains, le Tour de Turquie est une course de préparation, presque une semaine « au soleil » à engranger des kilomètres, avant d’attaquer par exemple le Tour d’Italie. Pour d’autres, faute de mieux, c’est l’objectif de la saison. C’est le cas de l’Ukrainien Yuri Metlushenko qui a aussi les problèmes de son pays dans la tête.

De notre envoyé spécial en Turquie,

Yuri Metlushenko est triste. Son pays vit des moments difficiles. « Nous avons des frères et des sœurs en Ukraine, et nous sommes inquiets de cette situation. Moi, je veux la paix », se désole-t-il. La situation dans l'Est de l'Ukraine est en train de s'enliser dangereusement. Ce mardi 29 avril, la Russie a dénoncé un retour de la politique du « Rideau de fer », après des sanctions infligées par l'Occident pour son rôle dans la crise en Ukraine.

Il n'a aucun problème avec les coureurs russes

Quelques mètres plus loin, les coureurs de l'équipe Katusha (équipe russe présente sur le Tour de Turquie, ndlr) sont en train de prendre un verre. « Je n'ai aucun problème avec eux. Nous avons de bons rapports et eux aussi sont désolés que les choses tournent mal entre nos deux pays », argumente-t-il. Dépité, il lance : « On a viré notre président et dix jours après c’était le chaos ».

Yuri Metlushenko interpelle son coéquipier Sergueiy Gretchyn, installé à la table juste à côté. Lui, vient de l’Est de l’Ukraine. Yuri Metlushenko se retourne et lance en Ukrainien : « Tu préfères la Russie ou l’Europe ? » La réponse est sans appel, c'est l’Europe. « Tu vois, nous ne voulons pas revenir en arrière ! dit-il en me tenant le bras. Notre avenir c’est l’Europe. On veut vivre comme vous. Avec un vrai système de santé, un bonne éducation et surtout plus de corruption ». Son visage est grave, sa voix chevrote.

Féru de cyclisme depuis l’enfance

Au bout d’un moment, Yuri Metlushenko préfère ne plus trop parler de l’Ukraine. Non pas que le sujet le dérange, mais parce qu'il a peur d'être mal compris et que l'on ne puisse comprendre ce qu’il a « au fond du cœur ». Son visage s'éclaircit, on lui propose de parler un peu vélo...

Avec sa tête de boxeur, ses épaules larges et son crane dégarni, ce sprinteur de 38 ans fait partie de la seule équipe turque dans le peloton : Torku Sekerspor. Cette année, il a rarement l’occasion de prendre part aux grandes épreuves, son équipe manque d'invitations. « Il y a très peu de bons coureurs en Turquie, c’est pourquoi notre équipe a beaucoup de coureurs étrangers », raconte Yuri Metlushenko dans son anglais approximatif. Sa deuxième langue, c’est l’italien. En Italie où il vit avec son épouse Slovaque, il a gagné sa première course professionnelle en 2002, le Grand Prix de la côte étrusque. « C’était aussi ma première course tout court », raconte-t-il un sourire aux lèvres. A l’époque, il courait pour l’équipe belge Landbouwkrediet-Colnago.

Avec cette dernière, Yuri Metlushenko a eu la chance de participer à deux Paris-Roubaix. Et visiblement, « l’Enfer du Nord », c’est son truc. « C’était extraordinaire. Les pavés c’est génial, lance-t-il le regard pétillant. C’est la plus dure et la plus belle des courses au monde. Elle fait partie de l’histoire ».

En fin de contrat, mais toujours dingue de vélo

Yuri Metlushenko connaît tout du vélo. Il est capable de vous citer tous les grands coureurs qui ont fait l’histoire de ce sport. Sa passion, il la trimbale de son enfance. Il découpait les images de ses icones dans la presse. Il les collait ensuite sur des cahiers qu’il a précieusement gardé. Du temps de l’Union soviétique, il se souvient de l’Ouzbek Djamolidine Abdoujaparov et des ses sprints. Il a aussi suivi les exploits de l’Américain Greg LeMond dans le Tour de France. Yuri Metlushenko a participé en 2002 au Tour d’Italie. Il ne l’a pas terminé…

« J’aimerais bien continuer mais avec mon âge, ça va être compliqué de retrouver une équipe ». On lui suggère l’exemple de Davide Rebellin, le doyen de la course (42 ans). Son visage s’illumine. « Je lui ai parlé avant la deuxième étape. Pour moi, c’est un exemple. C’est un grand coureur qui m’a fait rêver. C’est extraordinaire de pouvoir le côtoyer dans cette course ». Malgré les troubles en Ukraine, Yuri Metlushenko tente de savourer ce qui sera peut-être son dernier Tour de Turquie.

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