Dopage: Travis Tygart met en cause l'efficacité de l’UCI devant le Sénat

Travis Tygart, le président de l’Agence antidopage américaine (USADA), a été entendu par la Commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité de la lutte antidopage. Pendant une heure trente, l'avocat a expliqué le combat de l’USADA et a pointé encore une fois le rôle de l’Union cycliste internationale dans la lutte antidopage.

Propos recueillis lors de l'audition par Farid Achache

C’est un homme déterminé qui s’est présenté devant la Commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité de la lutte antidopage. Dans un costume sombre, le regard malicieux, Travis Tygart est venu une fois de plus dire à quel point c'est un combat noble, qui mérite que l’on s’y intéresse. D’ailleurs, les rares membres de la Commission - on peut le déplorer - qui assistaient à cette séance ont largement pu profiter de son analyse sur le sujet.

Honnêteté, respect et équité

Si Travis Tygart ne recherche pas la gloire, l’homme est de plus en plus influent en matière de lutte antidopage. Appelé à s’exprimer seul dans le premier quart d’heure, il a martelé trois mots essentiels à ses yeux : honnêteté, respect et équité. « Ce sont les fondements d’une société libre et démocratique ». Et selon lui, ces fondements ne sont pas vraiment légion au sein de l’Union cycliste international. Travis Tygart a expliqué comment il a dû batailler ferme pour faire face à l’institution et à son président Pat McQuaid.

Avant de lancer une première salve, il a d’abord insisté sur le fait qu’il n'est pas possible de faire la promotion de son sport et d'en être à la fois le garant en matière d'intégrité. Il a donc expliqué que l’UCI « s’était mise en travers de la route de l’USADA pour balayer cette affaire Armstrong ». Pourtant, comme il le rappelle : « L’UCI savait qu’Armstrong travaillait avec le docteur Ferrari. » Un « médecin » qui avait en 1994, comparé l'EPO à du jus d'orange. « Ils savaient qu'Armstrong travaillait avec le Dr Ferrari, qui avait fourni de l'EPO à des athlètes en Italie même s'il y a eu vice de procédure. Ils auraient pu regarder leurs relations. »

Travis Tygart a aussi tenu à rappeler que sur le Tour de France 2010, un rapport de l’Agence mondiale antidopage avait critiqué les prélèvements de l’UCI. « Elle n’avait pas contrôlé trois coureurs importants et n’avait réalisé que 25 prélèvements pour tester la prise de testostérone ». Et d’ajouter : « L’UCI a l’autorité de faire des dépistages, mais ils sont défaillants. »

Concernant Lance Armstrong, le patron de l'USADA a rappelé le prélèvement douteux constaté en 2001 sur le Tour de Suisse, un autre sur le Dauphiné en 2002, ainsi que les contrôles positifs du Tour 1999, justifiés après coup par une autorisation à usage thérapeutique (AUT). « Ils refusent d'ailleurs encore de nous fournir ceux de trois coureurs de l'équipe d'Armstrong », a-t-il expliqué, sans entrer dans les détails. « Mais si vous avez les moyens que l'UCI ne fasse pas les contrôles sur le Tour de France, allez-y », a-t-il lancé à la cantonade.

Lance Armstrong avait-il la bienveillance des puissants ?

Travis Tygart a tenu aussi à expliquer comment Lance Arrmstrong, qui se sentait soutenu par les puissants, notamment l’UCI - une enquête est en actuellement en cours par l'USADA -, s’attaquait aux témoins dans la presse internationale pour les décrédibiliser. « Cela pouvait faire peur à ceux qui voulaient parler, note-t-il. Mais au final, ce sont 26 témoins oculaires devant l’USADA qui ont fini par faire comprendre à Lance Armstrong qu’il ne pouvait plus se cacher et qu’il s’était trompé ».

L'élection du prochain président de l’UCI se déroulera en septembre prochain, à Florence, en Italie. Pour le moment, seul Pat McQuaid est candidat. Est-ce vraiment réaliste de penser que les choses changeront ? « Ce n’est pas à l’USADA de dire qui doit diriger l’UCI. Mais ils ont failli dans l’idée d’avoir un sport sans dopage. Depuis 6 mois, ils n’ont rien fait, à part démanteler leur commission indépendante », note Travis Tygart. A la suite de l’affaire Armstrong, l’UCI avait mis en place une commission pour savoir si l'ancien vainqueur du Tour avait bénéficié de soutien au sein de l’UCI.

Invité à poser d'éventuelles questions à l'actuel président de l'UCI, Pat McQuaid, qui devrait être prochainement auditionné par la commission, Travis Tygart a fait dans l'ironie. « Est-ce que vous pouvez créer une procédure juridique pour me permettre d'être là ? J'aurais beaucoup de questions à lui poser ».

Travis Tygart a tout de même voulu terminer cette audition sur une note d'espoir. « Nous pensons que le cyclisme doit être sauvegardé. On ne veut plus d’autre affaire et il faut libérer ce sport ».

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