Grégory Baugé a raté son rendez-vous olympique. Celui qu'il s'était fixé depuis des années. Le triple champion du monde a passé sa demi-finale contre l'Australien Shane Perkins sans dommage, mais s’est incliné en deux manches sèches face au Britannique Jason Kenny, 24 ans. Il ne sera donc pas le successeur de Daniel Morelon, dernier médaillé d’or en vitesse pour la France en 1972 à Munich. Pourtant, le Kenny du mois d'août n'avait rien à voir avec celui du mois de mars lors des championnats du monde, où il fut largement battu par le Guadeloupéen. La domination britannique est écrasante (5 titres sur 7 possibles).
« Le secret de nos roues : elles sont rondes ! »
La première personne à réagir face à l’hégémonie des pistards anglais n’est autre que Isabelle Gautheron, la Directrice technique nationale française. « Ils sont très forts parce que c’est leur Jeux, mais je me pose beaucoup de questions, admet-elle. Si les cadres de vélo doivent être homologués par l’Union cycliste internationale, j’aimerais bien voir une roue anglaise. Mais une vraie roue anglaise. Celles qu’ils cachent dans les housses. Pas celles sur les vélos avec les sticks Mavic (constructeurs). Je voudrais savoir comment elles sont faites.» La réponse ne s’est pas fait attendre. « Le secret de nos roues : elles sont rondes ! », glisse hilare Dave Brailsford, directeur de la performance du Team GB et manager de l'équipe Sky.
Effectivement, comme l’explique très bien l’ancien DTN à RFI, Patrick Cluzaud, qui a officié pendant 16 ans à la Fédération française de cyclisme, « les Britanniques ont choisi les meilleurs fabricants de matériel ». Il ajoute : « Ils ont pris les meilleurs coureurs, ils cherchent dans toutes les disciplines et n’ont pas dépensé leur argent inutilement. De plus, ils sont très méthodiques ». Il s’interroge tout de même sur cette réussite, alors que la plupart des athlètes n’ont rien montré entre Pékin et Londres, soit une olympiade.
« Il n’y a que le Tour de France qui compte »
Pour Daniel Baal, président de la FFC de 1993 à 2007, qui a connu les grandes heures du cyclisme sur piste français (4 médailles d’or en 1996), le changement de disciplines (le kilomètre et l’Américaine ont disparu) a profité aux Britanniques. La poursuite par équipe et individuel fait appel à des qualités de routier. Le problème, c’est qu’aucun groupe sportif français ne souhaite avoir dans ses rangs un coureur qui pourrait passer l’année préolympique sur piste en délaissant la course sur route. « Il n’y a que le Tour de France qui compte », se lamente David Lappartient, actuel président de la FFC. « Pourtant, une médaille d’or aux JO, c’est quelque chose d’exceptionnel », observe-t-il.
Tout le contraire des Britanniques qui, portés par le groupe Sky (propriété du magnat des médias, Rupert Murdoch), disposent d'un budget égal à celui de l'ensemble de la FFC. Une force de frappe importante pour glaner des médailles. « Il faut que nos pistards vivent de leur sport », argumente David Lappartient, qui a l'intention de se pencher sur la question en cherchant des sponsors. Il détaille : « Sky a révolutionné la manière de diriger un groupe sportif avec un suivi et des plans de progression et une approche très pointue dans tous les domaines ». En atteste la récente réussite de Bradley Wiggins sur le Tour de France. Ce que ne conteste pas Grégory Baugé qui admet que les moyens aloués au cyclisme sur piste ne sont peut-être pas à la hauteur des ambitions françaises.
« Je veux faire partie à nouveau de cela »
En tout cas, du côté britannique, cette réussite fait des envieux. « J'ai regardé les gars, leur camaraderie et je me suis dit : "Je veux faire partie à nouveau de cette équipe" », a expliqué Mark Cavendish, champion du monde sur route, qui postulerait à une place en poursuite par équipes aux Jeux de Rio en 2016.
David Lappartient annonce qu’il faudra réfléchir à l’issue des JO quant à l’avenir de la piste en France. Selon lui, Rio devrait être un point d’étape, la globalité du modèle à mettre en place sera pour 2020. Il reste un projet fédéral à écrire (décembre 2013) et surtout à gérer la détection et offrir le maximum de possibilité aux athlètes pour évoluer dans de bonnes conditions. Le tout, en aiguillant les meilleurs éléments vers les différentes disciplines. Le centre national de cyclisme qui ouvrira ses portes à Saint-Quentin (région parisienne) courant 2013, sera donc un atout supplémentaire. Le prix à payer pour revenir au niveau des Britanniques.