Pour Séverine Nebie, judokate franco-burkinabè de 29 ans qualifiée aux JO 2012, l’aventure a commencé quand tout aurait pu se finir. « En 2004, je me suis gravement blessée à l’épaule, j’ai eu envie d’arrêter le judo, raconte-t-elle. Mais mon ancien professeur, Lionel Hugonnier, trouvait que j’avais des qualités, que ce serait idiot d’arrêter sur un coup de tête. Il m’a proposé d’assister à un stage en Bretagne, pour avoir un aperçu du haut niveau ».
Rencontre avec le Burkina en Bretagne
A Rennes, l'équipe de judo de Cuba et un heureux hasard attendent celle qui est née à Pouni, à une centaine de kilomètres d’Ouagadougou : « J’ai rencontré l’équipe du Burkina Faso qui préparait les Jeux d’Athènes. Ils m’ont proposé de tenter l’aventure avec eux. »
Curieuse, elle se laisse convaincre. Pour son premier tournoi sous les couleurs burkinabè, les Jeux de la Francophonie 2005 au Niger, Séverine Nebie finit deuxième. Elle échoue en finale face à une référence, Barbara Harel, française double championne d’Europe en -57 kg. Rassurée, elle retrouve la motivation.
Les bons résultats s’enchaînent ensuite avec un podium africain par an, en -63 kg. Mais rien n’est facile pour celle qui a quitté le Burkina Faso à l’âge de 5 ans. En 2008, elle décroche sa qualification pour les Jeux de Pékin mais doit jeter l’éponge à cause d’une triple fracture de la jambe. « J’ai mis deux ou trois mois à m’en remettre, mais c’est la vie et ça reste du sport. Il faut dépasser tout ça », témoigne-t-elle aujourd’hui.
Audrey Tchouméo: « C’est une grande bosseuse »
La passion pour le judo - sport qu'elle pratique depuis l'âge de 5 ou 6 ans - l’a beaucoup aidée à gérer désillusions et douleurs. « Je suis née entre deux frères et j’étais un peu garçon manqué, explique-t-elle. Comme je n’avais pas de petite sœur, je jouais avec mon grand frère. Pour ne pas être de côté, j’ai suivi mon grand frère au judo ». Impossible ensuite de la déloger du tatami : « L’esprit du combat m’a donné envie de continuer. J’aime la confrontation, le goût de l’effort, le dépassement de soi. Le judo est un sport complet. Quand on finit une séance d’entraînement, on sent que son corps a travaillé. »
« C’est une grande bosseuse, souligne Audrey Tchouméo, championne du monde 2011 en moins de 78 kg, et partenaire au Villemomble Sports Judo. Elle est très physique, elle assimile vite. Elle est capable de reproduire ce qu’on a appris la veille. Travailler avec elle, c’est un plaisir ». Même son de cloche chez Omar Gherram, entraîneur au Villemomble SJ : « Séverine s’investit à 100% et elle croit en elle. […] Elle est très autonome. Parfois, je ne suis pas avec elle mais je lui donne un programme à suivre et elle le fait à fond. »
Le judo pour découvrir l’Afrique
Depuis 2008, Séverine Nebie a accumulé les titres. En 2011 notamment, elle est championne d’Afrique à Dakar et remporte la médaille d’or aux Jeux africains à Maputo. Grâce à ce doublé, elle est décorée du titre de chevalier de l’Ordre national burkinabè en décembre. Pour sa préparation, Séverine Nebie obtient surtout un soutien financier du ministère des Sports. Elle devrait également décrocher un poste à l’ambassade du Burkina à Paris.
Cette titulaire d’un master en management des organisations espère aussi développer le sport au Pays des hommes intègres, car il lui a offert la possibilité d’atteindre le très haut niveau : « J'avais beaucoup plus facilement ma place en équipe du Burkina Faso qu’en équipe de France où la concurrence est vraiment rude. De plus, je ne connaissais pas bien l’Afrique. J’ai trouvé très intéressant d’avoir un contact avec mon pays d’origine, de découvrir l’Afrique par le judo. »
Elle vise le podium
Troisième des Championnats d’Afrique 2012 à Agadir, Séverine Nebie a décroché son billet pour les prochains Jeux en avril dernier et cravache depuis : entraînements à Villemomble, une étape de la   World Cup à Bucarest en Roumanie, un stage en Slovénie, un autre en Allemagne dans le club de Villa Vital à Brême...
Un programme complet et une ambition affichée pour Londres : « Je vise vraiment le podium. Si possible, la médaille d’or, même si je suis réaliste : je n’ai pas eu assez de temps pour me préparer au mieux. » Son entraîneur,Omar Gherram, y croit : « Si elle est dans les sept premières, c’est un pari gagné. Mais elle est capable de gagner une médaille. Elle a un potentiel énorme. »
Séverine Nebie ne viendra pas, en tout cas, en spectatrice. Ça ferait trop plaisir à ceux qui ont remis en cause son changement d’équipe nationale. « Participer aux JO, c’est la consécration suprême, s’enthousiasme-t-elle. Une fois qu’on a obtenu sa qualification, on est super contente. On se dit que toutes les péripéties comme les blessures ou les propos racistes ne sont pas graves. Tout ce qui s’est passé avant, c’est le prix à payer ».