« A l’annonce de ma séropositivité à un dentiste pour bénéficier d’un détartrage, le visage du dentiste se décompose et il me dit : ‘Vous plaisantez ? Je ne peux pas vous soignez car si mes patients sont au courant, je vais perdre toute ma clientèle et je ne suis pas formé pour soigner les personnes comme vous !’ »
Des témoignages comme celui-ci, Sida Info service en a recueilli beaucoup. Ils illustrent une réalité préoccupante que l’association relève dans sa dernière enquête sur les discriminations dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH/sida. Le rapport montre que 47,2 % des personnes interrogées pensent avoir déjà été discriminées en raison de leur séropositivité. Le chiffre est en baisse. Il est de dix points inférieur à celui de 2005 et de sept à celui de 2009.
Cette baisse n’a cependant rien d’encourageant. Car elle n’est pas le fruit d’un changement des mentalités, mais d'une amélioration des traitements, moins lourds, qui rendent la maladie moins visible et qui n'obligent donc pas les personnes atteintes à en parler.
Elle est même à relativiser. Car le rapport distingue la discrimination ressentie et la discrimination vécue. Et là, les statistiques sont bien plus inquiétantes. Plus de sept personnes interrogées sur dix se souviennent d’au moins un exemple de discrimination. Pour l’auteur de l’enquête, Elisabete de Carvalho, cet écart est dû à l’intériorisation de la stigmatisation. « Pour la plupart de ces personnes, certaines situations discriminatoires relèvent de la normalité. Elles peuvent comprendre les réactions parce qu’elles se souviennent de la perception qu’elles avaient du VIH/sida avant d’être concernées », explique-t-elle.
Le secteur de la santé particulièrement touché
Parmi les huit domaines dans lesquels les personnes sont confrontées à des discriminations (le travail, les assurances, les relations amoureuses, familiales, amicales...), c’est dans le milieu médical qu’elles restent le plus présentes. Pire même : alors qu’on observe une baisse généralisée dans les autres domaines, le secteur de la santé est marqué, lui, par une légère augmentation des discriminations rapportées. Elles sont de près de trois points supérieures à celles de 2005.
Elisabete de Carvalho préfère parler d’absence de recul, qu’elle explique par l’impossibilité de cacher sa maladie dans ce secteur. « Le milieu de la santé est le seul dans lequel on ne peut pas cacher sa séropositivité. Comme partout, les peurs et les croyances persistent. Mais ici, il est plus difficile de les combattre, contrairement au monde du travail, où les discriminations sont punies par tout un arsenal juridique », note-t-elle.
Les personnes interrogées rapportent des soins qui leur ont été refusés, des réflexions désobligeantes, voire carrément blessantes. « Lorsque l’on m’a annoncé que j’étais séropositif, on m’a clairement dit que je n’avais qu’à faire attention, que c’était de ma faute et qu’il fallait que j’en assume les conséquences, que c’était bien fait pour moi », raconte l’une d’elles.
Dans les autres domaines, elles font part de coûts d’assurances exorbitants – « 135 euros par mois alors que mon ami en paye 24 », témoigne ainsi une femme –, de licenciements abusifs, de passages imposés au mi-temps. Autant de sanctions qui plombent les ressources financières et les conditions de vie.
Réduits au silence
A ces vexations habituelles s’ajoute la peur d’être discriminé. Sept personnes sur dix ont ainsi déjà renoncé à un emploi, à des soins, à une relation... Paralysées par cette même crainte, trois quarts des personnes interrogées se sont déjà abstenues de parler de leur séropositivité. Certaines l’assument : « J’ai renoncé à le dire à certains membres de ma famille pour les protéger parce que trop âgés, ou me protéger parce que trop cons », reconnaît un homme. D’autres le regrettent : « Au bout de dix ans, je n’en parle jamais et je le supporte de moins en moins », avoue un autre.
Mais c’est dans la vie amoureuse que la séropositivité semble être le plus mal vécue. Nombreux sont ceux qui font part de rejets, parfois violents. « J’ai rencontré un partenaire dans un bar. J’ai voulu avoir un rapport avec lui. Quand je lui ai annoncé que j’étais séropositif, il m’a dit que, même avec une capote, il ne coucherait pas avec moi, que je ne devrais coucher avec personne », raconte ainsi un homme. Plus de la moitié des personnes interrogées disent être célibataires. Une minorité d’entre elles avouent même ne plus avoir de partenaires occasionnels.
Les associations de lutte contre le sida :
- Aides
- Sida Info service
- Act Up
- One
- Solidarité sida
- Sidaction