« Ces graines de banksia sont restées plus de deux cents ans au fond de la mer et elles n’étaient pas détruites, pas dissoutes ! Cela fait rêver, non ? … », s’émerveille Loïc Ruellan, animateur botaniste du CBNB, évoquant les graines retrouvées en 1986 à bord de La Boussole. Collectées par un naturaliste -qui embarquait il y a plus de deux siècles avec le navigateur La Pérouse-, elles ont été été retrouvées sur l'épave, et remontées à la surface par les équipes de plongeurs archéologues de l'association Salomon.
Quelque 223 ans plus tard, les scientifiques prolongent l’aventure qui pourrait exaucer les vœux des grands navigateurs de l’époque en étudiant le potentiel germinatif des graines de cet arbuste à la floraison rouge ou jaune, en rameaux : « Parviendrons-nous à les faire refleurir? Rien n’est moins sûr, fait remarquer prudemment Loïc Ruellan car les graines ont la vie longue mais quand même … le temps a passé et nous ne savons pas du tout s’il reste encore des cellules vivantes … Dans la nature, elles conservent 35 ans leur pouvoir de germination. Alors dans des conditions aussi particulières … Nous sommes dubitatifs ! ».
Mais, Manuelle Bodin, chercheur en biologie végétale au centre de recherche appliquée de Vegenov à Saint-Pol de Léon de compléter : « Cette opportunité historique a permis la mise en place d’un protocole passionnant : notre projet vise à étudier la possibilité de redonner de la vie, c’est historique et scientifique. Nous avons donc mis en place un programme de recherche en plusieurs étapes : pour réinsuffler de la vie, il faut qu’il reste des tissus viables, des embryons cellulaires ; c’est ce que nous recherchons et si nous en trouvons, alors nous tenterons une culture in vitro ».
Les étapes du programme
Pour déterminer la possibilité de sauver du matériel végétal à partir de ces graines, les chercheurs en biologie, en collaboration avec une plateforme d’imagerie de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) se penchent donc depuis deux ans sur une analyse minutieuse au microscope de leurs tissus, et établissent des comparaisons avec des graines fraîches.
S’agit-il de recherche d’ADN ? « Non, soyons clairs, explique Manuelle Bodin, nous ne sommes pas dans cette problématique ; les paléontologues sont intéressés par la recherche d’ADN d’ossements par exemple car l’ADN renseigne sur les modifications liées à l’évolution d’une espèce. Mais le banksia n’est pas du tout une espèce rare ou en voie de disparition ; il en existe encore. Nous cherchons simplement à redonner de la vie si c’est possible à du matériel qui ne serait pas totalement mort. Si nous trouvons des fragments viables alors nous tenterons une culture de plants in vitro».
En d’autres termes, des échantillons de tissus encore vivants seront alors placés sur un support dit « gellosé ou liquide » -une plateforme inerte riche en éléments nutritifs, dont des sucres- sur lequel ces tissus ou ces cellules pourront se développer.
L’aventure n’est n’a pas terminée ! Les premiers résultats d’analyse sont encore tenus au secret. Mais Stephane Buord, botaniste du conservatoire brestois qui coordonne ce programme de recherche, assure qu’il ne faut attendre qu’un petit mois encore avant que communication soit faite ! On patientera donc encore quelques semaines avant de savoir si les belles endormies seront susceptibles de refleurir ... Et, si la méthodologie mise en place s’avérait fructueuse, alors de nouveaux horizons s’ouvriraient pour d’autres espèces végétales importantes sur le plan biologique et botanique!