Depuis que le BEA a commencé son travail d’analyse des boîtes noires, la pression s’accentue de jour en jour. Bien entendu, tout le monde veut connaître la vérité mais certains la veulent peut être un peu trop vite, d’où une certaine confusion que le BEA cherche à éliminer par cette première note.
Il y a beaucoup de choses en jeu autour de ces résultats : le rôle des pilotes, celui du matériel (les fameuses sondes qui sont en cause), celui de la compagnie d’aviation, Air France, l’industriel Airbus, tout cela à quelques semaines de l’ouverture du salon du Bourget. Le monde politique a également accentué cette pression par la voix du secrétaire d'Etat français aux Transports, Thierry Mariani.
Des éléments de l’enquête fuitent régulièrement
Depuis le début de l’analyse des boîtes noires, des éléments de l’enquête, plus ou moins crédibles, se retrouvent régulièrement dans la presse. Dès le 18 mai, cinq jours après l’arrivée des boites noires à Paris, le Figaro titrait : « La piste de l’erreur humaine », un article selon lequel l’enquête mettait hors de cause l’appareil et pointait du doigt les pilotes et les procédures d’Air France.
Des révélations prématurées pour Robert Soulas, père de l’une des victimes de cet accident et membre de l’association des victimes « Entraide et solidarité » : « On ne comprend pas qu’après 48 heures d’analyse, on puisse conclure à une responsabilité aussi rapidement… Il est possible qu’à l’écoute du CVR (Cockpit Voice Recorder) certaines informations soient apparues mais elles doivent être vérifiées et corroborées ». L’association de victimes a par ailleurs écrit à François Fillon pour dénoncer une certaine précipitation.
Dès le lendemain, des indications différentes fuitaient et la radio Europe 1 annonçait qu’au contraire qu’il n’y aurait pas eu « d’erreur de pilotage dans la trajectoire de l’avion. Air France aurait donc "90% de chances d’être disculpé". »
Les indicateurs de vitesses seraient donc en cause : fabriquées par l’industriel Thalès, les syndicats de pilotes avaient demandé leur remplacement peu de temps après le drame.
Quelques jours plus tard, le lundi 23 mai, c’était au tour du Wall Street Journal de faire des révélations : pour le quotidien américain, l’accident est dû à des erreurs de pilotage et à un mauvais suivi des procédures habituelles. Les pilotes d'Air France ont été « distraits par des indicateurs de vitesse en dysfonctionnement et n'ont pas réagi correctement face à d'autres éléments cruciaux du vol, comme l'ajustement de la poussée de l'appareil », toujours d’après des sources « au courant des résultats préliminaires de l'analyse des boîtes noires ».
Une procédure inhabituelle
Toutes ces fuites ont donc poussé le BEA à publier une note, procédure très inhabituelle.
Le Bureau prend bien soin de préciser qu’il publie une note d'information sur les premières constatations résultant des analyses des enregistreurs de vol et que cette note éclaire « les circonstances de l’accident et non les causes ».
Les enquêteurs travaillent actuellement jour et nuit sur ces boîtes noires mais il y a 1 300 paramètres à examiner, à recouper, il faut du temps comme le souligne Pierre Sparacco, membre de l’Académie de l’air et de l’espace : « Il faudra disposer de la lecture détaillée de très nombreux éléments pour mieux comprendre le scénario, ce que les enquêteurs appellent la séquence d’événements ».
Comme pour tout accident de ce type, des causes multiples et variées sont impliquées et aucune d’entre elles prise séparément n’est suffisante pour l’expliquer. « Je ne pense pas que le BEA aurait publié cette note sans cette pression politico médiatique qui s’accroît de jour en jour », ajoute Pierre Sparacco.
Il s’agit donc pour le BEA de mettre de l’ordre dans la confusion actuelle, mais pour connaître les causes précises et donc les responsabilités, il faudra très probablement attendre encore quelques semaines.