Une récente étude de l'IRD redessine l'histoire du café

Des chercheurs de l’IRD et de leur partenaire brésilien ont eu recours au séquençage de l’ADN de 26 espèces de café. Seules deux espèces de café sont cultivées actuellement dans le monde -produisant les célèbres Arabica et Robusta- alors que près de 120 espèces sauvages ont colonisé en quelque 400 000 ans toute l’Afrique équatoriale et la région malgache à partir de leur origine, en Basse Guinée. Ces travaux réorientent les recherches sur le génome du café, en vue de l’amélioration de cette plante d’un grand intérêt agronomique et socio-économique.

« Très peu d’études sur leur phylogénie [des plants de café] ont été menées jusqu’ici, affirme François Anthony, directeur de recherche à l’IRD et co-auteur de l'étude. Celle-ci demeurait mal définie.» Grâce, donc, à l’analyse de séquences d’ADN de 26 espèces différentes du genre 'Coffea', le chercheur et son équipe ont établi deux lignées évolutives distinctes du café : « une que l’on retrouve sur toute l’aire de distribution actuelle des caféiers, de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à Madagascar, et une autre qui n’existe qu’en Basse Guinée » -région connue pour la richesse de sa flore et qui présente la plus grande diversité au niveau des séquences d’ADN.

Les scientifiques ont défini une horloge moléculaire pour estimer l’âge des caféiers grâce aux séquences d’ADN d’une espèce d’un genre proche ('Rubia'), dont l’origine est datée du Miocène supérieur. Ils ont ainsi calibré le pas de temps de l’évolution du café et reconstitué son histoire, effectuant  la première tentative de datation de l'origine des caféiers.

Constat de départ de l’étude : au cours des derniers 400 000 ans, le climat de la planète a été marqué par une succession de cycles de glaciation/déglaciation -ayant lieu tous les 100 000 ans environ-, entraînant ce faisant une grande variabilité climatique et des phases d’intense refroidissement qui se sont manifestées par des sécheresses accrues jusqu‘à l’équateur.

Des forêts ‘sempervirentes’ aux forêts 'galeries'

Lors des périodes arides, la flore a survécu dans des régions propices aux forêts, appelées ‘zones refuges’, souvent situées en altitude ou à proximité des océans, telle que la Basse Guinée … Des régions aujourd’hui connues pour être des points chauds de biodiversité. A l’inverse, au cours des périodes interglaciaires, plus chaudes et humides, la forêt tropicale et sa flore se sont déployées.

Les caféiers seraient ainsi nés en Basse Guinée, en Afrique centrale atlantique puis « les caféiers ont connu une vague de dispersion qui leur a permis, à partir de leur région d’origine, de coloniser tous les types de forêt en Afrique équatoriale et dans la région malgache, depuis les forêts dites ‘sempervirentes’ (c’est-à-dire toujours vertes), aux forêts galeries, entourées de savane », explique François Anthony, et c’est ainsi que les espèces se sont alors diversifiées.

Réorientation des recherches sur la génétique du caféier

Jusqu’à récemment les botanistes pensaient que les arbustes provenaient de la corne de l’Afrique, avant que le supercontinent Gondwana ne se disloque, il y a plus de 100 millions d’années. Ces derniers travaux de l’IRD permettent de retracer l’histoire des forêts.

« Les conclusions de notre étude réorientent donc les recherches sur la génétique du caféier, en vue de l’amélioration de cette plante d’un grand intérêt agronomique et socio-économique », conclut François Anthony –alors qu’n tant qu’arbustes de sous-bois, les caféiers sont particulièrement menacés actuellement par les modifications environnementales. Travaux qui sont en outre d’un grand intérêt agronomique et socio-économique puisque le café est actuellement la 1ère richesse de nombreux pays tropicaux.

Pour en savoir plus :

Consulter les sites des différents centres de recherche qui ont participé à ces travaux

- Unité Résistance des plantes aux bioagresseurs (UMR IRD / Université Montpellier 2/ CIRAD)

- Conselho Nacional de Desenvolvimento Cientifico e Tecnologico du Brésil

- Génoscope/CEA et le CIRAD.

Lire articles

- sur une exposition Sebastião Salgado au pays du café en 2004 à Paris, par D.Raizon, RFI

- sur la Culture intensive du  jatropha, manne ou catastrophe?, par D.Raizon, RFI :Claudine Campa, chercheuse à l'IRD, y explique comment le manque de variabilité génétique des variétés mises en culture peut rendre une plante vulnérable et les projets de culture intensives, téméraires. La chercheuse rappelle les déboires subis par les planteurs de caféiers d’arabica, lorsque toutes les plantations issues de quatre à six plants-mères originaires d'Arabie furent touchées par la rouille orangée.

- Dossier Agronomie et biotechnologie

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