De notre correspondante à Amman,
Quelques heures après l’incident, vendredi 4 novembre, les Jordaniens annonçaient qu'un convoi avait essayé d’entrer dans une base aérienne sans s’arrêter. Un soldat jordanien avait ouvert le feu.
Protestation immédiate des Américains, et Amman changeait aussitôt d’explication : il y aurait en fait eu un tir accidentel dans le convoi militaire ; le soldat jordanien aurait alors répliqué, croyant à une attaque.
Une tout autre version
Sauf que cette version est désormais mise à mal aussi, par les médias américains cette fois. Ces derniers parlent de possibles motivations terroristes. Le New York Times a notamment interviewé l’un des soldats qui a survécu.
Le jeune homme est très clair : il n'y a eu aucune provocation de la part de son groupe. Les soldats étaient sans gilet par balle. Ils rentraient d’entraînement. Ils n’étaient armés que de pistolets.
Le soldat jordanien a attaqué le convoi après leur avoir donné l’autorisation d’entrer. Il a tiré entre la 1e et la 2e porte d’accès à la base avec un fusil automatique. Lorsque le convoi était littéralement bloqué.
Un précédent gênant
L’ambassade américaine à Amman a d’ailleurs admis, depuis, que la piste terroriste n’était pas écartée de l'enquête. Le tireur principal est toujours en vie. Il a été grièvement blessé, mais il devrait pouvoir s'exprimer, et expliquer ses motivations.
C’est ce qui intéresse tout le monde aujourd'hui. Mais en attendant, en Jordanie, la justice a interdit toute publication sur le sujet. Silence total sur cette affaire, qui embarrasse les Jordaniens.
Depuis le début, Amman a privilégié la thèse d’une faute des soldats américains. Mais c’est la deuxième fois qu’un incident de ce type se produit. L’année dernière, un policier tuait cinq personnes dans l'académie de police, dont trois instructeurs étrangers.
Cette personne était entrée dans la cafétéria avec une arme automatique. L’enquête a conclu qu'elle souffrait de dépression. Des témoins ont pourtant raconté que l'assaillant avait crié « Allah Akbar ». Des collègues ont également indiqué qu'il ne cachait pas son désaccord avec la politique pro-occidentale du roi jordanien.
La Jordanie et le jihad
Une affaire très gênante pour ce pays, fidèle allié des Etats-Unis qui fait partie de la coalition internationale bombardant actuellement l’organisation Etat islamique. Washington soutient le royaume à hauteur de 1 milliard de dollars par an.
Il existe en Jordanie un phénomène de radicalisation religieuse, comme partout dans la région. Plusieurs milliers de Jordaniens sont partis combattre en Syrie. Cette radicalisation touche peut-être aujourd'hui certains membres des forces de sécurité au sein du pays. C'est en tout cas la question qui se pose.
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