Les experts sont inquiets. Ils se demandent quelle sera l'étendue des dégâts sur le site antique assyrienne de Nimrod, en Irak, après le passage des jihadistes du groupe EI. « Il est très probable que le site aura eu de très graves dommages irréversibles », estime Dominique Charpin, professeur au Collège de France, qui explique sur les antennes de RFI en quoi le cas de Nimrod diffère de celui de Palmyre :
« A Palmyre apparemment, il y a eu des explosions qui ont fait tomber [les] monument[s], mais il est resté des pierres qu’on pourra sans doute, en partie au moins, remonter. Tandis que le problème de l’archéologique mésopotamienne, c’est que les constructions sont en général en briques crues. Et donc, une fois que tout ça a explosé, on ne peut pas faire de remontage. Ce sera infiniment plus grave, j’en ai peur. »
« Heureusement, ajoute cependant le professeur Charpin, il y avait beaucoup de bas-reliefs qui ont été transportés soit dans les musées occidentaux, soit à Bagdad. Vous avez notamment ces fameux taureaux ailés qui ornent les portes ; vous en avez qui ont été transportés au musée de Bagdad et qui maintenant sont à nouveau visibles. Mais ce qui était resté sur place… »
L'offensive des forces irakiennes sur la grande ville de Mossoul entre ce lundi dans sa cinquième semaine. L'organisation Etat islamique, enfermée dans ce dernier bastion en Irak, perd également du terrain en Syrie, où une course de vitesse oppose les Kurdes et les Turcs vers Raqqa. Avec Palmyre, côté syrien, Nimrod est l'un des sites historiques sur lesquels le groupe EI avait mis la main après sa conquête de vastes territoires en 2014.
Nimrod « a été une des capitales de l’empire assyrien. Le site existait déjà depuis quelques siècles, mais il a été choisi par un roi assyrien au milieu du 9ème siècle avant Jésus Christ », explique Dominique Charpin. « Ça fait partie des sites par lesquels l’exploration de la Mésopotamie a commencé au milieu du 19ème siècle, alors que les Français travaillaient à Khorsabad, les Anglais travaillaient à Nimrod et ils ont découvert donc avec émerveillement ces vestiges ».
Les Anglais ont poursuivi les fouilles après la Seconde guerre mondiale, avant que les Irakiens ne les reprennent dans les années 80. « Ils avaient fait [alors] une découverte absolument fabuleuse : des tombes royales qui se trouvaient dans le sous-sol du palais. J’ai eu la chance de pouvoir visiter le site en 1998 et de voir ces tombes et j’avais pu voir tout ce qu’on y avait retrouvé. Donc c’est un site, en effet, d’une importance majeure », conclut Dominique Charpin.
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