Irak: le Premier ministre reporte l'assaut sur Fallouja

En Irak, l'assaut des forces gouvernementales à Fallouja a été reporté pour préserver les civils, a annoncé ce mercredi 1er juin, le Premier ministre irakien, Haïdar al-Abadi. Depuis dix jours, les forces irakiennes tentent de reprendre aux partisans de l'organisation Etat islamique la ville, située à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad, et tenue depuis 2014 par les jihadistes.

Il y a une dizaine de jours, le Premier ministre irakien se faisait fort de chasser les jihadistes de l'organisation Etat islamique hors de Fallouja. La ville compte habituellement environ 300 000 habitants ; il n'en reste plus que 50 000. Des unités d'élite de l'armée sont bien entrées lundi 30 mai dans les faubourgs sud de la ville, mais elles se sont heurtées depuis à une résistance impressionnante et ne progressent plus depuis deux jours.

Les jihadistes, experts de la guerre d’usure

Les jihadistes sont sunnites. Ce sont des experts de la guerre d'usure et de la guerre urbaine. Leur encadrement est assuré par d'anciens officiers sunnites de l'armée de Saddam Hussein, très expérimentés. Les partisans du groupe Etat islamique ont, par ailleurs, miné une quantité impressionnante de maisons, de rues et de quartiers dans la ville. Chaque zone que l’on veut contrôler se paie très cher en pertes humaines et matérielles.

En 2004, les Etats-Unis avaient ainsi mis des mois à contrôler Fallouja. Cela leur avait valu plus d’une centaine de morts et plus de 700 blessés, le plus grand nombre de pertes depuis la guerre du Vietnam. A l’époque, ils avaient dû s'allier avec des milices sunnites pour chasser al-Qaïda de Fallouja.

Elie Tennenbaum, spécialiste des questions de sécurité à l’Institut français des relations internationales explique que l'armée irakienne doit employer des démineurs pour progresser dans Fallouja. Mais ils sont rares. Et systématiquement pris pour cible par les tireurs d’élite jihadistes depuis les minarets des mosquées de la ville. Fallouja est d'ailleurs nommée par les Irakiens « la ville des minarets ». Elle en compte plus de 200.

Les forces en présence

Les forces irakiennes ont jeté 3 000 hommes dans la bataille de Fallouja, sans compter les milices chiites, le plus souvent encadrées par des membres des forces spéciales iraniennes. Ces milices ne rentrent pas dans la ville, afin de ne pas compliquer les choses. Car la population sunnite les hait. Les milices chiites ont dans le passé massacré les sunnites pour ne pas s'être battus contre les jihadistes de l'organisation Etat islamique. Ces milices jouent cependant un rôle central : ce sont elles qui encerclent la ville afin d’empêcher à la fois les jihadistes de fuir et tout renfort d’arriver.

Les partisans du groupe Etat islamique sont pour leur part bien moins nombreux. Ils ne seraient que 1 000, voire 300. Ça semble peu, mais c’est largement suffisant pour tenir une ville.

De lourdes pertes

« Il aurait été possible d'achever la bataille rapidement si la protection des civils ne faisait pas partie de nos priorités », a déclaré le chef du gouvernement pour justifier le report de l'assaut. Difficile de le croire entièrement. Avant de lancer une bataille de ce type, les préoccupations qu’Haïdar al-Abadi avance sont généralement prises en compte. Il semblerait plutôt que la vive résistance rencontrée par ses troupes soit la véritable raison de ce report. Même si elles tiennent quelques positions dans les faubourgs sud de la ville, les troupes irakiennes ont vraiment du mal à progresser sans subir le feu destructeur des jihadistes, pourtant en nombre inférieur.

Il semblerait aussi que les pertes de l'armée irakienne et les milices chiites qui les appuient soient déjà considérables. « A chaque fois que nos forces essayent d'avancer, ils font face à des systèmes de défense mis en place par Daech », a indiqué un colonel de la police cité par l'AFP.

Les commandants irakiens affirment avoir tué des dizaines de jihadistes depuis le début de l'offensive le 23 mai, mais restent discrets sur leurs propres pertes. Le nombre de cercueils renvoyés dans les provinces à majorité chiite du sud de l'Irak et d'enterrements dans la ville sainte chiite de Najaf suggère néanmoins que le camp antijihadiste a subi de lourdes pertes. « Depuis le début de l'assaut, nous avons reçu quelque 70 cercueils de martyrs », a déclaré un membre des forces de sécurité devant la « Vallée de la paix » à Najaf, le plus grand cimetière au monde. Toujours selon l'AFP, des responsables de la province de Bassora, au sud du pays, ont confirmé la mort de 26 miliciens progouvernementaux originaires de la région. Un autre responsable a confirmé 12 morts originaires de Najaf. A Bagdad, une centaine de combattants ont été soignés depuis lundi dans des hôpitaux.

Selon le représentant de l'Irak pour l’Unicef, Peter Hawkins, au moins 20 000 enfants toujours présents à l'intérieur de Fallouja risquent d’être recrutés de force. « Les enfants sont forcés à porter les armes pour combattre dans une guerre d'adultes. Leur vie et leur avenir sont en danger », a-t-il affirmé.

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