Irak: l'armée irakienne affirme être entrée dans la ville de Fallouja

L’armée et la mobilisation populaire ont lancé une offensive il y a une semaine pour reprendre la ville de Fallouja, située a l’ouest de Bagdad. Cette ville est depuis 2 ans sous le contrôle de Daech et elle n’est qu'à 50 km de la capitale. Mais la libération de Fallouja, qui s'annonce rude, fait craindre des exactions. Le grand ayatollah Ali Sistani, plus haut dignitaire chiite d'Irak, a prié mercredi les forces gouvernementales qui tentent de reprendre Fallouja aux jihadistes de l'Etat islamique (EI) d'épargner les civils. 

Aucun doute: il faudra se battre pour chaque quartier, chaque rue et chaque maison. Les forces gouvernementales avancent par trois directions. Ce lundi, elles ont réussi à prendre certaines zones et villages dans la banlieue sud et des positions à la périphérie nord et est, selon des officiers irakiens.

L’armée, avec les milices chiites, avance sur plusieurs fronts. Les troupes peuvent compter sur le soutien de l'artillerie, de chars et de bombardements aériens, des frappes effectuées par la coalition internationale sous l'égide des Etats-Unis. Les Irakiens vont reprendre Fallouja, c’est une question de temps. Mais certains disent craindre des débordements sectaires. Une forme de guerre de religion.

Crainte d'exactions

En cause : la présence de la mobilisation populaire aux côtés de l'armée irakienne. La brigade Badr, le Hezbollah irakien, des combattants chiites proches de l'Iran… Il y aurait même des conseillers militaires iraniens sur le front de Fallouja. Certains chefs de la mobilisation populaire parlent de cancer à éradiquer. Ils ne parlent pas de l'organisation Etat islamique mais de la ville de Fallouja, rapporte notre correspondante à Amman, Angélique Férat

Cette cité de 300 000 habitants est un peu le cauchemar des autorités de Bagdad à majorité chiite. Elle fut le berceau de l’insurrection en 2003 contre l’invasion américaine. Puis le bastion d'Al-Qaïda quelques années plus tard, pour ensuite entrer en rébellion début 2014 et accepter la tutelle de Daech. 

Makki Nazzal originaire de Fallouja et ancien insurgé dit craindre une guerre de religion : « Pour eux, c’est une guerre de religion. Quand ils ont repris Garma a l’est de Fallouja, ils ont arrêté 73 hommes et en ont tué 17. Ils ont détruit 6 mosquées. Et ils ont détruit une centaine de maisons. Ça va être pire a Fallouja. C’est pour cela qu'on n’est pas très heureux de cette libération ».

L’ayatollah Ali-Sistani, la plus haute autorité chiite du pays, semble lui aussi craindre des débordements sectaires. Dans un message officiel, il rappelle aux forces armées que le jihad doit se faire avec une certaine forme de contrôle et de restreinte.

Des milliers de civils bloqués en ville

On estime à 50 000 le nombre d'habitants qui restent encore bloqués à Fallouja. Le commandement irakien a appelé les civils à sortir, mais l'organisation Etat islamique les empêche de prendre la fuite. Depuis le début de l'offensive, seuls quelques milliers de personnes ont réussi à quitter la ville assiégée.

Et selon le conseiller régional du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), Karl Schembri, la situation est particulièrement préoccupante pour les civils. « Personne n'est parvenu à s'échapper de la ville de Fallouja depuis le 21 mai. C'est le dernier moment où nous avons recueilli une famille dans notre camp de réfugiés, raconte-t-il. Certains civils ne sont pas autorisés à sortir de la ville, d'autres ont peur, certains pensent qu'il n'y a pas de route sûre pour s'échapper. »

« Nous avons eu des informations, que nous n'avons pas encore pu vérifier, selon lesquelles les civils sont retenus contre leur gré à Fallouja, poursuit Karl Schembri. Mais les civils ne sont pas seulement bloqués dans la ville, ils sont en train d'y mourir de faim. La zone a été coupée de l'Irak, coupée du monde depuis des mois et aucune assistance, aucune aide n'a pu parvenir jusqu'à eux. »

Désormais le NRC espère « un déplacement massif des populations, une fois que les forces irakiennes seront entrées dans Fallouja », mais craint en même temps que ce déplacement soit catastrophique. « Parce qu'à moins qu'ils soient accompagnés et que les routes soient sûres, nous ne sommes pas à l'abri d'un désastre, c'est pourquoi nous continuons de demander que les civils soient protégés, ce doit être une priorité », insiste le conseiller régional du NRC.

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