Les policiers irakiens qui gardent la « zone verte » n’ont pas essayé d’empêcher les manifestants d’entrer. Tout s’est passé dans une ambiance plutôt bon enfant : il y avait des chants et beaucoup de gens dansaient dans le Parlement. Cette manifestation était un peu comme la prise d’un symbole. « C’est notre Parlement », a ainsi crié un manifestant.
« Nous sommes venus pour mettre un terme aux souffrances du peuple irakien », estimait Abbas, venu de la province de Babel au sud de l’Irak, saluant une « révolution civique et pacifique ». « J’espère qu’on va y arriver. Ces gens sont pires que Saddam Hussein, ils disent représenter le peuple irakien, mais nous, nous sommes plus pauvres que jamais », confiait-il à notre envoyée spéciale à Bagdad, Angélique Férat.
Un avis partagé par Iyad Ali Hussein, ingénieur. « Ces députés prétendent représenter le peuple irakien, mais ils n’ont pas travaillé pour servir les citoyens irakiens. Ils ont fait des Irakiens le peuple le plus mal loti du monde. Je veux que les Etats-Unis et la communauté internationale soient à nos côtés, parce que, aujourd’hui, tout ça, ce sont les demandes du peuple. »
Les députés qui vivent dans la « zone verte » ont été évacués et certains manifestants ont installé des tentes dans le Parlement promettant d’y rester jusqu’à ce que les réformes demandées soient votées. Mais après six heures d'occupation, les manifestants ont commencé à évacuer le Parlement samedi soir, à l'appel des membres de la milice de Moqtada al-Sadr, avant d'entamer un sit-in sur la place Ihtifalate, toujours dans la « zone verte ».
La crise s'aggrave
Cela fait des semaines que le Premier ministre irakien Haïdar al-Abadi tente de faire approuver un gouvernement de technocrates, une nouvelle équipe dont la mission serait de réformer le pays et de lutter contre la corruption.
Mais ce projet se heurte à la résistance d'une partie de la classe politique irakienne, qui refuse pour l'heure de renoncer aux postes et aux privilèges qu'elle détient.
Dénonçant cet immobilisme, le chef chiite Moqtada al-Sadr a pris la tête de la contestation. L'enfant terrible de la politique irakienne a récemment organisé un sit-in aux abords de la « zone verte » de Bagdad. Et ce samedi, ce sont les partisans de ce jeune chef politico-religieux qui ont pénétré dans le périmètre sécurisé de la capitale irakienne avant d'envahir le Parlement.
La crise politique s'aggrave alors que de vastes régions sont toujours contrôlées par le groupe Etat islamique, ce qui inquiète les alliés de l'Irak, à commencer par les Etats-Unis dont le vice-président Joe Biden a effectué une visite surprise cette semaine à Bagdad.