Les premiers camions ont atteint Madaya mais les membres du Conseil de sécurité ne sont pas dupes, explique notre correspondante à New York, Marie Bourreau. Le président syrien a déjà plusieurs fois fait mine de réaliser des concessions sur le plan humanitaire pour finalement durcir ses positions sur le plan politique.
La famine, « une pratique du Moyen-âge »
Et à un peu moins de deux semaines des pourparlers de paix qui doivent avoir lieu à Genève le 25 janvier prochain, les ambassadeurs ne cachent pas leur scepticisme : « Comment les forces de l’opposition pourraient-elles en effet négocier un accord avec un gouvernement qui affame ses propres enfants ? », s’interroge l’ambassadeur français François Delattre.
« La famine est une pratique du Moyen-âge qu’on ne peut pas tolérer », a-t-il ajouté à l’instar de ses collègues britanniques, américains espagnols et néo-zélandais. Quatre cents personnes seraient actuellement en situation d’urgence absolue à Madaya selon le coordinateur humanitaire de l’ONU.
L’ambassadeur syrien Bachar Jafaari a réfuté vivement ces accusations. Il n’y a pas de famine à Madaya et ces informations ne servent, selon lui, qu’à diaboliser le régime de Bachar el-Assad.
Famine et froid à Madaya
Pourtant, le personnel humanitaire et les journalistes qui ont pu entrer à Madaya avec le convoi d'aide -44 camions chargés de nourriture et de couvertures- ont rencontré des habitants désespérés au regard vide, et affaiblis par 180 jours de siège implacable, rapporte notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh.
La situation s'est dégradée il y a 15 jours, avec la première vague de froid, et plusieurs habitants, des enfants et des personnes âgées, seraient mortes de faim. Hiba Abdel Rahman, une jeune fille de 17 ans, raconte à l'Agence France-Presse avoir vu un jeune homme tuer des chats et présenter aux membres de sa famille la chair comme étant de la viande de lapin. Elle décrit des scènes ou des individus se nourrissent dans les poubelles et d'autres qui ne mangent que de l'herbe.
Privés d'électricité, de chauffage et de nourriture, les 40 000 habitants sont confrontés au siège des forces gouvernementales et aux exactions des rebelles, qui monopolisent toutes les ressources. Dans ce contexte, l'Observatoire syrien des droits de l'homme rapporte qu'une foule en colère a expulsé, lundi 11 janvier, de son lieu de résidence, le chef du Conseil militaire rebelle, qui voulait stocker dans des dépôts sous son contrôle l'aide acheminée. Les habitants exigeaient que les rations alimentaires soient directement distribuées aux familles et ils ont finalement obtenu gain de cause.
Deux autres villages secourus
Un autre convoi d'aide est également entré dans deux villages encerclés par les rebelles à 300 kilomètres au nord de Damas.
Il s'agit de Foua et de Kafarya, à Idleb, au nord de Syrie, qui comptent quelque 50 000 habitants, des chiites en majorité, favorables au régime. Vingt et un camions de nourriture et d'aides diverses sont entrés dans ces deux villages totalement assiégés par des rebelles islamistes. Mais la situation y est moins dramatique qu'à Madaya, car ils sont approvisionnés par des hélicoptères de l'armée syrienne ou par des colis largués par des avions.