Comment démêler le vrai du faux ?, s'interrogeait ce vendredi matin sur notre antenne l'envoyé spécial de RFI en Autriche, Sami Boukhelifa. Au siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), où s'éternisent les négociations pour une résolution du dossier nucléaire iranien et une levée des sanctions internationales contre l'Iran, chaque camp semble avoir sa propre version. Cela fait 14 jours que l'on débat au palais Coburg.
A en croire un diplomate iranien, les principaux points de blocage auraient été réglés ; compromis sur les sanctions, compromis sur les inspections de sites militaires. Ce diplomate pointe également, d'un doigt accusateur, non pas l'ensemble du groupe « 5+1 » (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Chine, Russie, Allemagne) avec lequel son pays négocie, mais surtout les grandes puissances occidentales. Avec à leur tête la France, représentée par Laurent Fabius, et les Etats-Unis représentés par John Kerry.
Selon lui, au moment de conclure, ces deux pays ont mis sur la table de nouvelles exigences qui ne figuraient nulle part jusqu’à présent. Un Occident gourmand, qui en voudrait toujours plus et qui voudrait priver la République islamique de certains de ses droits ? Ce haut responsable iranien fait référence à l’embargo sur le commerce des armes, que Paris et Washington souhaitent maintenir.
Et d'ajouter que le dossier avancerait beaucoup plus vite si les grandes puissances passaient plus de temps à négocier avec l'Iran, et moins à s'efforcer de coordonner leurs propres positions. Mettant ainsi en avant une division des six grandes puissances entre elles, la délégation iranienne menace à son tour de claquer la porte si Français et Américains refusent d’adopter une position raisonnable. Une réponse à la déclaration de John Kerry, jeudi soir, selon laquelle les Etats-Unis se tiennent prêts à « mettre fin » aux discussions aussi.
Vendredi à la mi-journée, le chef de la diplomatie britannique George Hammond a fini par concéder que les négociations sont « péniblement lentes ». Et d'annoncer qu'une nouvelle réunion ministérielle était prévue samedi. « Je fais confiance à nos négociateurs, qui travaillent avec les Iraniens pour éclaircir un peu plus le texte dans les douze prochaines heures, et nous pourrons nous retouver demain pour voir si nous pouvons surmonter les derniers obstacles », a précisé le ministre.
■ Akbar Etemad, père du nucléaire iranien : « Ça ne finira jamais »
Parmi les Iraniens, nombreux sont ceux qui souhaitent la conclusion d'un accord, qui sortirait l'Iran de son isolement international. Mais d'autres estiment au contraire que Téhéran doit refuser le contrôle de ses activités nucléaires.
C'est le cas d'Akbar Etemad, le père du programme nucléaire iranien. Dans les années 1970, avant la Révolution islamique, il avait conduit les premiers travaux nucléaires en Iran. Il estime qu'un accord avec la communauté internationale serait une mauvaise opération pour son pays et le dit sur RFI :
« Le choix de se soumettre aux ordres des Occidentaux, c'est le pire des choix. (L'Iran) est un pays indépendant. Il faut qu'il résiste à la volonté des Occidentaux, qu'il mobilise les moyens du pays. Il faut vivre comme on peut, même avec les sanctions, etc. Je pense que de toute façon, les sanctions ne seront pas levées.
D'abord, toutes les sanctions, on ne peut pas les lever tout de suite. Ce n'est pas facile. Ensuite, les Occidentaux, à tout moment, ils peuvent chercher un prétexte pour de nouveau imposer de nouvelles sanctions. Ça ne finira jamais. Les Occidentaux ont montré tellement de mauvaise foi... Pourquoi, tout à coup, seraient-ils de bonne foi ? Je l'ai dit, le traitement qu'ils ont imposé à l'Iran, il n'y a aucun pays qui l'aurait accepté. C'est incroyable. »
■ Ci-dessous, les déclarations des délégations occidentales jeudi soir
John Kerry, secrétaire d'Etat américain : « On ne va pas rester assis à la table des négociations pour toujours. Nous reconnaissons aussi qu'on ne doit pas se lever et quitter la table simplement parce que l'horloge indique minuit. Et j'insiste sur ce point : étant donné le travail très technique ici, et les enjeux très importants, on ne va pas se presser et on ne va subir de pression.
On ne se laissera bousculer sur aucun des sujets. Nous sommes concentrés sur la qualité de l'accord. Voilà ce qui continuera à définir notre travail. Si à la fin, nous sommes capables d'obtenir un accord, ce sera un accord qui pourra surmonter l'épreuve du temps. Ce n'est pas un test pour quelques semaines ou quelques mois, c'est un test pour des décennies. C'est notre objectif ici. »
Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères : « J'espère que nous allons pouvoir parcourir les mètres qu'il reste à parcourir ! Mais il y a encore du travail à faire. J'ai dit que lorsque l'on avait à faire un marathon, c'était les derniers cent mètres qui étaient les plus difficiles. On le sait quand on a franchi la ligne d'arrivée.
Le principal problème, c'est toujours de respecter ce que j'ai appelé la fermeté constructive. Il y a des principes qu'il faut absolument respecter. Mais en même temps, il faut essayer d'arriver à un accord. Et je le répète, il y a de bonnes choses, mais il y a des points difficiles qu'il reste à régler, donc on va travailler cette nuit. »