Avec notre envoyé spécial à Vienne
Dans le dossier du nucléaire iranien, les négociateurs internationaux ont un point fort : tous sont de fins diplomates. Mais ils ont aussi un point faible : le respect des délais. A Genève, Lausanne ou Vienne, partout où se sont tenues leurs discussions, ils n’ont pratiquement jamais respecté les dates butoirs qu’ils se sont pourtant eux-mêmes imposées.
Pour leur défense, les négociations sont tellement compliquées qu’ils ont besoin de temps, beaucoup de temps pour régler leurs différends. Et lorsque l’occasion d’une prolongation se présente, ils la saisissent sans se poser de question.
« En réalité, de manière plus ou moins tacite, les négociateurs se sont donnés quasiment une semaine supplémentaire, analyse François Géré, directeur de l’Ifas, l’Institut français d’analyses stratégiques. La véritable date butoir pour les Etats-Unis, c'est la date qui a été plus ou moins posée par le Congrès américain, c'est-à-dire la date du 8 juillet. Date à laquelle le Congrès reverrait sa position sur la question de la levée des sanctions. »
Sanctions
La levée de ces sanctions internationales, qui pénalisent l’économie iranienne, constitue justement l’un des principaux points de blocage dans ces négociations. Téhéran plaide pour leur levée immédiate. Les grandes puissances, avec à leur tête la France, souhaitent une levée progressive.
Réputé pour son intransigeance dans ce dossier, Laurent Fabius est même l’un des principaux artisans du Snap-Back, un mécanisme qui vise à réimposer automatiquement des sanctions contre l’Iran en cas de manquement à ses obligations. Après avoir signé un accord intérimaire à Lausanne en avril dernier, le chef de la diplomatie française tenait à rappeler que l’Iran n’a pas toujours fait preuve de transparence envers la communauté internationale. Rétablir la confiance risque donc de prendre un peu de temps.
« Si l'Iran ne respecte pas ses engagements, il faut qu'on puisse revenir aux sanctions économiques qui actuellement existent vis-à-vis de l'Iran. Et le mécanisme précis n'est pas encore totalement mis au point », explique M. Fabius. Le ministre des Affaires étrangères considère que l'accord d'Etats est « positif » mais qu'il reste « encore du travail certainement d'ici la fin juin. Il faut savoir que depuis très, très longtemps - cette affaire date depuis 2002, 2003 -, l'Iran a suscité légitimement beaucoup de méfiances puisqu'ils avaient caché toute une série d'installations. Maintenant, possiblement, c'est le début d'un nouveau processus. On va essayer d'avancer mais on n'est pas encore au bout du chemin. »
Depuis cette déclaration, trois mois se sont écoulés. Il y a eu beaucoup de progrès, mais il reste aussi des points de blocage que les négociateurs n’arrivent pas à surmonter et notamment l’inspection de certains sites militaires iraniens.
Blocages
Selon le spécialiste Ali Vaez, chercheur à l’International Crisis Group, seuls les ministres des Affaires étrangères des grandes puissances et de l’Iran sont en mesure de surmonter ce genre de difficultés. Leur arrivée à Vienne ce mardi donnera une impulsion finale aux négociations qui aboutiront certainement par la signature d’un accord.
« L’expérience nous montre que durant les deux dernières années, la plupart des avancées sur les sujets sensibles qui nécessitent des décisions politiques fermes, se sont vraiment produites dans les derniers jours. Pas seulement à cause des dates butoirs, mais surtout en raison de la présence de hauts responsables politiques. Vous avez les ministres des Affaires étrangères qui viennent, le directeur de l’AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique, NDLR), donc la pression augmente et la pression fait bouger les lignes. »
Avec la signature d’un accord sur le nucléaire iranien viendra ensuite la phase de l’application de cet accord. Une phase délicate puisque c’est durant cette nouvelle étape que les uns et les autres s’assureront qu’il n’y a pas d’interprétations divergentes.
« On va entrer dans la phase de réalisation, où l'on va se rendre compte que dans ce qu'on a signé, on est bien d'accord sur les termes, pour qu'il n'y ait pas des interprétations divergentes et qu'il n'y ait pas le risque toujours possible d'une rupture de l'accord signé », résume le directeur de l’Ifas François Géré.