De notre correspondant en Egypte,
La page Facebook Egyptian Shia, la plus vieille page communautaire des chiites d’Egypte, est la première à avoir réagi aux blogs et pages islamistes - et surtout salafistes - sur lesquelles certains internautes vont jusqu’à saluer le groupe Etat islamique, qui a revendiqué l’attentat sanglant de Koudeih. Elle publie ce commentaire : « Avant l’attentat : les chiites sont des mécréants, zoroastriens, safavides, athées et agents de l’Iran qui doivent être tués et même dévorés. Après l’attentat : celui qui prétend que nous (les sunnites) faisons de la provocation contre les chiites est un zoroastrien agent de l’Iran et un mécréant qui doit être tué. »
La réponse islamiste était d’accuser les chiites, télécommandés par l’Iran, d’avoir eux-mêmes exécuté l’attentat pour « jouer aux victimes et menacer le tissu social de l’Arabie saoudite ». Mais cette confrontation sunnites-chiites sur le Net ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait de très longues années que cela dure. En fait, depuis le début des années 2000, quand Internet a commencé à se démocratiser en Egypte.
Les chiites en Egypte, une confession marginalisée
Lors de la guerre en Afghanistan, les chiites applaudissaient les frappes américaines contre les talibans et Ben Laden, tandis que les islamistes appelaient les talibans et al-Qaïda à attaquer les mécréants chiites iraniens. Et quand les Frères musulmans étaient au pouvoir au Caire, les pages internet salafistes s'étaient déchaînées contre les chiites, avec l’approbation tacite du président Mohamed Morsi. Résultat, une famille chiite avait été massacrée dans un village au sud de la capitale. Leurs corps avaient été traînés dans les ruelles comme des trophées. Ce n’est qu’après la chute des Frères musulmans que la justice s’est sérieusement occupée de l’affaire.
En Egypte, les sites internet chiites sont pourchassés par ce que l’on appelle les « brigades électroniques islamistes », qui lancent des assauts massifs contre les sites chiites pour les bloquer (quand ils ne réussissent pas à les pirater). Les brigades électroniques islamistes dénoncent aussi tout ce qui est chiite : garderies, écoles et lieux de culte. Car il faut préciser que les 2 à 4 millions de chiites égyptiens n’ont le droit de célébrer leur culte dans aucune mosquée d’Egypte. Des dénonciations se sont souvent soldées par des arrestations de dirigeants chiites, dont certains s’étaient opposés à la participation de l’Egypte aux opérations militaires conduites par l’Arabie saoudite contre les Houthis chiites au Yémen.