Avec notre correspondante à Riyad, Clarence Rodriguez
Dans un message adressé au prince héritier Mohammed ben Nayef, qui est aussi ministre de l'Intérieur, le roi d'Arabie saoudite Salman s'est montré ferme et déterminé. « Nous avons été affligés par l'énormité du crime de cette agression terroriste, qui contredit les valeurs islamiques et humanitaires. »Et d'ajouter que ceux qui ont perpétré cet attentat meurtrier à la mosquée chiite Ali Ibn Abi Taleb, à Koudeih (est), « seront jugés et recevront la peine qu'ils méritent ».
Le roi n'est pas le seul à prendre la parole. Cheikh Mohammed Obeïdan, haut dignitaire chiite, s’est adressé à ses fidèles, leur conseillant de « ne pas laisser libre cours à leur colère » et de « rester calmes ». Après l'attaque, des milliers de personnes sont descendues dans la rue. Cet attentat a été revendiqué par les jihadistes du groupe extrémiste sunnite EI, une première en Arabie saoudite. La communauté chiite ne décolère pas. Elle se considère opprimée, dénigrée par le gouvernement saoudien, qui ne mettrait pas tous les moyens pour protéger leurs lieux de culte.
Quelques heures seulement après l’attaque contre la mosquée chiite, le grand mufti Cheikh Abdulaziz Al al-Cheikh, haut dignitaire sunnite, est lui aussi intervenu dans le débat public, en direct sur une chaine de télévision nationale (al-Ekhbariya). Il a dénoncé « un complot foncièrement criminel qui vise à diviser et à semer le chaos dans le pays ».
Cette réactivité des autorités religieuses d'Arabie saoudite est inhabituelle et elle en dit long sur l’ambiance délétère qui règne dans le royaume.
Comme pour apaiser deux communautés effervescentes et sur le point d’imploser, le ministère saoudien de l’Intérieur a annoncé avoir identifié le kamikaze, un ressortissant saoudien qui appartiendrait à une cellule terroriste dont 26 suspects ont été arrêtés le mois dernier. C’est sans aucun doute pour éviter que le pays ne s’embrase ou ne plonge dans un chaos confessionnel, que les deux hauts dignitaires sunnite et chiite unissent leur voix pour appeler au calme pour éviter le pire.
Le Yémen, facteur principal de tensions confessionnelles en Arabie saoudite
Mardi, cela fera exactement deux mois que la coalition arabe, dirigée par l’Arabie saoudite, procède à des bombardements au Yémen, sur les positions des milices chiites houthistes. En attendant, la nuit de samedi à dimanche a été à l’image de ces dernières semaines. Des bombardements ont été répertoriés à travers tout le pays.
Ce sont principalement des dépôts d’armes qui sont visés, même si dans la province de Hodeida, dans le centre du pays, un aéroport militaire a été bombardé à deux reprises. A moins de 80 km au nord-ouest de la capitale Sanaa, à Hajjah, c’est en revanche un rassemblement de houthistes qui a été visé. Et à Aden, des affrontements se sont produits entre rebelles et combattants fidèles au président Abd Rabbo Mansour Hadi, alors que l’aviation de la coalition procédait à des frappes sur d’autres quartiers de la ville.
Les frappes aériennes ne semblent pas freiner les milices, puisque les combats continuent et que les houthistes parviennent non seulement à tenir leurs positions, mais également à avancer, comme en témoignent les échanges de tirs d’artillerie la nuit dernière entre ces milices et les forces saoudiennes au principal point de passage frontalier entre l’Arabie saoudite et le Yémen. Le point de passage a en partie été détruit.
Après près de deux mois de bombardements, la stratégie de la coalition arabe ne semble pas en mesure de mettre un terme au conflit yéménite. Dans une situation comparable en Irak et en Syrie, Barack Obama a reconnu qu’il fallait revoir la stratégie de la coalition dirigée par les Etats-Unis. Une question que pourrait également se poser la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen.
RFI