Depuis plusieurs jours, des affrontements opposent les combattants de l'organisation Etat islamique à des factions palestiniennes à Yarmouk. RFI a pu joindre Hatem al-Dimashqi, un habitant du camp. « Les combats se poursuivent entre l'organisation Etat islamique et le groupe Aknaf Beit al-Maqdess à l'extrémité nord du camp, relate-t-il. Le groupe palestinien y tient son dernier carré. »
A l’intérieur du camp, la situation humanitaire se dégrade rapidement, suscitant l'inquiétude des Nations unies. Philippe Leclerc, l'un des porte-paroles du Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (UNHCR), relate que « la situation est plus qu’inquiétante ». Et de préciser qu’elle l’était déjà « avant que des éléments armés ne contrôlent Yarmouk, puisque les distributions alimentaires n’avaient pas été effectuées, ou de manière très épisodique ».
Mais la nouvelle donne renforce les craintes du HCR : « Depuis, aucune assistance alimentaire ou médicale ne peut atteindre la population, qui est assiégée et qui ne peut ni rentrer, ni sortir de Yarmouk. Donc, tant des enfants que des adultes et des personnes âgées sont sans aucune assistance directe et dans une situation de précarité absolue. » La Croix-Rouge a réclamé jeudi un accès d'urgence immédiat au camp.
« Les hélicoptères nous attaquent à coups de barils d'explosifs »
Au sommet de la liste des manques drastiques : l’eau, les aliments, la couverture médicale. « Ce sont vraiment trois points essentiels qui font que des personnes, aujourd’hui, sont en train de mourir très certainement à Yarmouk du fait de l’absence de ces trois composantes », explique Philippe Leclerc. D’autant que dans le camp, « les victimes de tireurs embusqués continuent d'affluer dans les hôpitaux de fortune. Elles sont visées à la fois par le régime et par l'Etat islamique », assure Hatem al-Dimashqi à RFI.
« On ne peut plus circuler dans les rues du camp sauf à se réfugier derrière les tentes qu'on a disposées pour protéger les habitants des snipers et leur permettre de fuir les zones de combat », se désole ce témoin. La grande crainte désormais : comment déloger le groupe EI.
« Le régime continue d'arrêter toute personne qui prend part aux combats. Il rassemble des forces importantes aux abords du camp pour poursuivre ses attaques contre Yarmouk. Depuis que l'Etat islamique est apparu dans le camp, les hélicoptères se sont mis à nous attaquer à coup de barils d'explosifs. Il n’employait pas cette méthode avant mais désormais, c’est très courant. »
Le régime Assad juge désormais qu'une opération militaire est nécessaire pour chasser les jihadistes du camp. « La priorité est d'expulser et de défaire les hommes armés et les terroristes du camp », selon le ministre syrien de la Réconciliation nationale Ali Haïdar. « Dans les circonstances actuelles, une solution militaire s'impose », selon lui. Alors, les troupes de Damas vont-elles entrer dans Yarmouk ? « C'est l'Etat syrien qui décidera si la bataille le nécessite », dit-il.
• Comment le groupe EI a-t-il pris peu à peu possession du camp
Hadi Sibli est un politologue palestinien originaire du camp de réfugiés de Yarmouk. Il explique comment s'est déroulée l'arrivée du groupe Etat islamique dans le camp : « On a vu des opposants syriens qui sont entrés dans le camp de Yarmouk. Au début, ça a été l’Armée syrienne libre (ASL) qui échangeait des tirs avec l’armée syrienne, l’armée du régime. Et après, on a vu petit à petit arriver des extrémistes, des islamistes comme Jabhat al-Nosra, qui ont commencé à s’installer dans le camp de Yarmouk même et qui a d’ailleurs laissé entrer Daesh dans le camp de Yarmouk. »
Alors qu'une partie des habitants du camp ont pu quitter les lieux, Hadi Sibli décrit la situation peu confortable des personnes restées sur place : « Ceux qui sont restés à Yarmouk, dit-il, c’est-à-dire les 9 000 Palestiniens, sont des Palestiniens qui n’ont pas trouvé les moyens pour quitter Yarmouk, ou ce sont ceux qui ont refusé de sortir tout simplement parce qu’ils ont dit : " Nous sommes des réfugiés palestiniens, on a été obligés de quitter la Palestine pour venir en Syrie, et là on ne voudrait pas devenir une deuxième fois réfugiés en Syrie aussi. Alors on reste ici. Si on quitte Yarmouk, c’est pour retourner en Palestine. " »