Avec notre envoyé spécial à Lausanne, Sami Boukhelifa
Signe que les négociations sur le dossier nucléaire iranien à Lausanne sont entrées dans une phase décisive : le secrétaire d'Etat américain a annulé un voyage qu'il devait effectuer demain, lundi 30 mars à Boston. Les ministres des Affaires étrangères français et allemand ont eux aussi annulé un déplacement au Kazakhstan prévu demain. Si les ministres décident finalement de rester c’est certainement pour donner une impulsion finale aux négociations.
Le groupe des 5+1 était ainsi au complet dès ce dimanche avec l’arrivée des ministres des Affaires étrangères chinois, russe et britannique. Les représentants vont certainement se retrousser les manches avant la date limite du 31 mars pour trouver un accord. Selon une source iranienne, cela pourrait prendre la forme d’une simple déclaration qui leur permettrait de dire : « nous nous sommes entendus sur les grandes lignes ». La prochaine échéance serait alors celle du 30 juin 2015. Avant cette date cruciale, un accord, cette fois-ci écrit, détaillé et comprenant toutes les annexes techniques, devra être trouvé.
Plusieurs négociateurs font preuve, ces derniers jours, d'une certaine confiance sur la possibilité de venir à bout des derniers obstacles. « Et si jamais on n’y arrive pas, confie une source diplomatique européenne, personne ne prendra ses valises pour rentrer chez lui. Les deux parties continueront de discuter sereinement. L’idée n’est pas que les uns fassent mordre la poussière aux autres.
Quelques voix dissonnantes cependant : le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, a déclaré dimanche qu'il ne pouvait exclure de « nouvelles crises » dans le processus diplomatique en cours.
L'Iran veut la levée de ses sanctions internationales
Pour parvenir à un accord, les grandes puissances imposent à l’Iran toute une série de mesures comme la mise sous contrôle international de son programme nucléaire. Cette décision doit bien sûr avoir un effet immédiat.
En contrepartie, la République islamique se débrasera progressivement des sanctions qui lui sont imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Et c’est là tout le problème : les Iraniens se sentent lésés. Pour eux, on leur en demande beaucoup et tout de suite, mais ils devront se contenter de peu et mettront plusieurs années avant de voir les sanctions définitivement levées.
Du côté des grandes puissances, les négociations sur le nucléaire iranien ce n’est pas : chacun fait un pas de son côté et nous avançons ensemble. Mais plutôt : l’Iran viole la loi internationale et c’est à lui de régulariser sa situation.
Si officiellement le groupe 5+1 est intransigeant, une source diplomatique occidentale nous apprend que les grandes puissances seraient disposées à faire preuve de flexibilité sur la levée de certaines sanctions. Mais en échange, les Iraniens ne bougent pas.
■ « Une date historique »
D'après Bernard Hourcade, géographe et directeur de recherches au CNRS, cet accord est un « véritable bouleversement » car il permet notamment à l'Iran de prendre sa place aux côtés des pays occidentaux sur les questions internationales, comme il l'explique sur RFI :
« Cet accord est une date historique dans le Moyen-Orient. En effet, il y a eu, il y a 35 ans, la Révolution islamique d’Iran, la chute du Shah. Ce n’est pas que l’Iran soit devenu chiite par cette Révolution, l’Iran a toujours été chiite, mais l’Iran est devenu une République et ceci a provoqué des réactions très violentes en Arabie saoudite. Par conséquent, depuis 35 ans, avec l’opposition à l’Occident - « A bas l’Amérique » est le slogan de l’Iran - le pays était resté marginalisé.
Aujourd’hui, l’accord sur le nucléaire n’est pas la solution à tous les problèmes mais c’est la clé de tous les problèmes. Désormais, la République islamique d’Iran est reconnue comme un Etat normal et donc a le droit de discuter, d’être un acteur de l’international. On a bien vu il y a quelques années sur la Syrie : les Américains et les Français ont refusé que l’Iran soit assis autour de la table des négociations. Résultat, il y a 250 000 morts en Syrie. Aujourd’hui on voit le Yémen, et la guerre continue entre Iran et Arabie saoudite qui sont les deux leaders qui émergent. »