Avec notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh
L'avancée de l'organisation Etat islamique s'explique par sa puissance de feu. Le groupe dispose de dizaines de chars pris aux armées syrienne et irakienne, et s'appuie sur la combativité de ses brigades de jihadistes étrangers. La prise de Kobane, aussi appelée Aïn al-Arab, permettrait à l'organisation d'assurer une continuité territoriale entre ses fiefs au nord de la Syrie et de contrôler une large bande le long de la frontière avec la Turquie.
Mais Ankara ne l'entend pas de cette oreille. Après avoir déployé des dizaines de tanks et de blindés en face de Kobane, le gouvernement turc prépare son opinion publique à une éventuelle intervention militaire en Syrie. Le Parlement doit en effet examiner, ce jeudi, un texte de loi autorisant des opérations terrestres sur le territoire syrien pour défendre les intérêts nationaux du pays.
L'Iran va aider le Liban militairement
Avec l'Irak et la Syrie, le Liban est le troisième front actif contre les jihadistes. Des milliers de combattants sont retranchés dans une zone montagneuse à la frontière libano-syrienne, où ils retiennent en otage une trentaine de militaires libanais enlevés début août. Ils en ont exécuté trois. L'Iran va soutenir militairement le Liban.
Des sources gouvernementales libanaises précisent que Téhéran fournira des munitions, des pièces de rechange pour des véhicules militaires, du matériel de télécommunication et des armes légères. Selon un responsable iranien, l'aide militaire promise vise « à soutenir l'armée libanaise dans la bataille qu'elle est en train de mener contre le terrorisme ». L'annonce a été faite par le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, Ali Chamkhani, après avoir rencontré des responsables libanais à Beyrouth.
Pour soutenir l'armée libanaise dans son effort guerrier, les Etats-Unis ont déjà livré, depuis août, d'importantes quantités d'armes et de munitions. L'Arabie saoudite a aussi promis un don de 4 milliards de dollars pour équiper l'armée.
Le régime syrien approuve les frappes contre l'EI
Chez le voisin syrien, le régime Assad est tenu à l'écart de la coalition qui frappe l'organisation Etat islamique sur son sol. Pourtant, le pouvoir de Damas a choisi d'approuver ces bombardements. Il parle même d'une possible « solution » à la crise qui mine la Syrie depuis 3 ans.
Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Muallem parle d'un possible dialogue politique entre Syriens - ce qui exclut de fait l'opposition en exil : « La solution de la crise passe par un dialogue entre Syriens, un dialogue syro-syrien sur le territoire syrien. L’accord finalisé par les Syriens doit être respecté par tous et sera la base d’une sortie de crise. Il n’est nul besoin des initiatives des uns et des autres. » Et le ministre de saluer l'intervention des Nations unies : « Le nouvel envoyé spécial de l’ONU Stefan De Mistura pourrait rapprocher les positions et aboutir à une solution satisfaisante pour les Syriens à travers le dialogue. »
■ ONU craint une nouvelle vague de réfugiés fuyant l'EI
Avec notre correspondant à New York,Karim Lebhour
L'avancée des combattants de l'EI dans le nord de la Syrie a déjà jeté sur les routes des dizaines de milliers de Syriens. Et l'ONU craint que cette vague ne s'amplifie. Ces derniers jours, plus de 160 000 Syriens, en majorité des femmes et des enfants, ont fui l'avancée de l'EI vers la Turquie. « Ils avaient tellement peur, a dit la chef humanitaire de l'ONU au Conseil de sécurité, qu'ils ont traversé des champs de mines. »
Des dizaines de milliers d'autres pourraient suivre. Chaque fois qu'elle vient faire le point sur la situation en Syrie, Valérie Amos revoit d'ailleurs ses chiffres à la hausse : 3 millions de réfugiés syriens en Turquie, Jordanie, Liban. Il y aurait aussi 11 millions de déplacés internes. La secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires de l’ONU tire aussi la sonnette d’alarme concernant l'aide humanitaire fournie aux réfugiés.
Malgré la menace de l'EI, le conflit syrien ne doit pas être oublié
Le Programme alimentaire mondial (PAM) va devoir cesser ses distributions de nourriture aux Syriens « d'ici deux mois » s'il ne trouve pas des financements supplémentaires. Face au Conseil de sécurité, Valérie Amos a également regretté que la lutte anti-jihadiste ait complètement éclipsé le sort des populations, cible à la fois des jihadistes, mais aussi des combats que continuent de se livrer régime et rebelles syriens.
« Depuis plusieurs semaines, la communauté internationale focalise toute son attention sur la progression de l’Etat islamique en Syrie et en Irak. (...) Il faut savoir que le conflit en Syrie se poursuit et que les différentes parties continuent de s’entretuer dans l’indifférence au milieu de zones d’habitations. Meurtres, exécutions, tortures, enlèvements et autres violations des lois internationales continuent d’avoir lieu dans une totale impunité. »
Dans les zones rebelles, le gouvernement syrien continue, dit l'ONU, de lâcher des barils d'explosifs sur les marchés et sur les usines à pain. A Raqqa et Deir-Ezzor, contrôlées par le groupe Etat islamique, 600 000 personnes n'ont plus accès à aucune aide. Les frappes aériennes qui, selon l'ONU, n'ont pour l'instant pas eu d'effet notable.