« J'annonce devant vous le retrait de ma candidature en faveur du frère Haïdar al-Abadi », a déclaré, jeudi soir l'ex-homme fort de Bagdad, dans une allocution à la télévision. Nouri al-Maliki n'avait guère plus le choix. Il est désormais totalement isolé.
Le lâchage de l'Iran a été fatal à Nouri al-Maliki
Sur la scène intérieure, l'ensemble de la classe politique irakienne s'est retournée contre lui - y compris désormais son propre parti, qui a désigné un autre candidat pour devenir Premier ministre. A l’extérieur, toute la communauté internationale l'a lâché : les Etats-Unis, l'Europe, les pays arabes et, surtout, l'Iran.
Les autorités iraniennes se sont retournées contre lui lorsqu'elles ont compris qu'il était incapable de faire face à l'Etat islamique. A compter du 10 juin et de la chute de Mossoul, les partisans de Nourri al-Maliki au sein du régime iranien ont été obligés de céder face à tous ceux qui souhaitaient s'en débarrasser. Le résultat, ce fut ce lâchage officiel au profit de Haidar al-Abadi, en début de semaine.
« L’Iran essaie de s’adapter à la situation politique et sécuritaire en Irak, estime le politologue Hamid Nasser, consultant d’International Crisis Group à Bagdad. L’Etat islamique menace désormais les frontières iraniennes et Nourri Al-Maliki a totalement échoué sur ce volet sécuritaire. En outre, l’Iran ne s’attache absolument pas aux personnes – pour Téhéran ce qui compte, c’est la protection de la communauté chiite. Téhéran n’a donc aucun problème avec un changement de premier ministre. »
Ce lâchage a été fatal à Nourri al-Maliki qui avait fondé toute sa politique étrangère sur son alliance avec Téhéran, au détriment de sa relation avec les Etats-Unis et encore plus avec les pays arabes sunnites de la région. C'est aussi l'Iran qui formait et qui équipait en partie les milices chiites dont Nourri al-Maliki avaient besoin pour conserver le pouvoir. Sans le soutien de l'Iran, Nourri Al-Maliki perdait le seul atout qui lui aurait permis concrètement de se maintenir au pouvoir à Bagdad.
Former un gouvernement d'union nationale
Accusé d'être le principal responsable du chaos actuel en Irak en raison de sa politique d'exclusion des sunnites et de son autoritarisme, Nouri al-Maliki, avait pourtant tenté le tout pour le tout : il avait porté plainte, d'abord contre le président irakien Fouad Massoum, ensuite contre son successeur désigné Haïdar al-Abadi, leur reprochant de violer la Constitution. Le déploiement des forces militaires à Bagdad avait même laissé craindre un passage en force.
Finalement Nouri al-Maliki cède donc sa place et dit même vouloir soutenir le nouveau Premier ministre désigné, Haïdar al-Abadi - un adversaire avec lequel il partage un trajectoire politique commune -. Réputé plus ouvert au dialogue, il incombe maintenant à ce dernier de former un gouvernement d'union nationale et il a moins d'un mois pour ce faire.
Il lui appartient aussi de restaurer l’intégrité territoriale du pays dont une bonne partie est dominé par l'Etat islamique qui perd du terrain près de Sinjar et autour d’Erbil, les bombardements américains aidant, précisent nos envoyés spéciaux, Aabla Jounaïdi et Boris Vichtih. Les Kurdes estiment qu’ils seront d’autant plus fort pour combattre l’Etat islamique, qu’ils auront le soutient de Bagdad, le départ définitif de Nouri al-Maliki est sans doute un premier pas dans la bonne direction.