Le conflit à Gaza un jour devant la justice internationale?

Le conseil des Droits de l’homme de l’ONU a demandé l’ouverture d’une enquête sur les soupçons de crimes de guerre qui auraient été commis pendant l’opération Bordure Protectrice. Ayant accédé au statut d’Etat observateur de l’ONU en 2012, la Palestine peut théoriquement adhérer à la Cour pénale internationale (CPI), ce qui aurait de lourdes implications.

Près de 2 000 morts palestiniens, en majorité des civils selon l’ONU, 64 soldats et 3 civils tués côté-israélien, c’est le bilan humain de l’opération Bordure protectrice lancée par Israel en juillet dans la bande de Gaza. Des crimes de guerre ont-ils été commis durant ce conflit ? « Un crime de guerre, c’est une violation grave du droit humanitaire, rappelle Philippe Dubuisson, professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles, on les retrouve dans la 4e convention de Genève et dans les statuts de la Cour pénale internationale. Prendre des civils délibérément pour cible, attaquer des bâtiments civils, utiliser des civils comme boucliers humains, sont des exemples de crimes de guerre ».

Selon cette définition juridique, des crimes de guerre présumés ont pu être commis à Gaza : « Les tirs israéliens sur des habitations civiles appartenant à des proches du Hamas ou l’emploi de munitions peu précises ayant touché des écoles de l’ONU » cite Philip Luther, directeur du projet Afrique du Nord-Moyen-Orient à Amnesty International qui précise que le Hamas et les autres groupes armés sont également concernés pour « des tirs aveugles de roquettes doublés de déclarations de certains de leurs dirigeant laissant entendre que leur but est de blesser et de tuer des civils israéliens. »

Palestine et CPI

En plein conflit, le conseil des Droits de l’homme de l’ONU a demandé le mois dernier l’envoi d’une commission d’enquête sur les violations des droits humains qui ont pu être commises durant le conflit. « Nous ne pouvons tolérer cette impunité », a déclaré la haut-commissaire aux Droits de l’homme, Navi Pillay, le 31 juillet en accusant Israël d’avoir délibérément visé des objectifs civils, notamment des écoles de l’ONU où des Palestiniens pensaient avoir trouvé refuge.

Au-delà des soupçons et même des preuves qui pourraient être recueillies sur le terrain, se pose la question des éventuelles poursuites judiciaires. Un scénario tout à fait envisageable depuis que la Palestine est devenue en novembre 2012 un Etat observateur non membre de l’ONU, ce qui lui permet en théorie d’adhérer à la Cour pénale internationale. « Tous les crimes localisés à Gaza relèveraient alors de la compétence de la Cour, précise Philippe Dubuisson, spécialiste du droit international, les crimes éventuellement commis par le Hamas et ceux qu’auraient commis l’Etat hébreu ». Et ce, même si Israël n’adhère pas à la CPI. En outre, la compétence de la Cour pourrait remonter à 2002, date de la création de ce tribunal. Ce qui signifie qu’en théorie Israël pourrait être poursuivie pour l’opération Plomb durci de 2008-2009 dans la bande de Gaza.

Pressions internationales

Pourquoi la Palestine n’a-t-elle pas encore adhéré à la CPI ? Depuis qu’elle est en mesure de le faire, l’Autorité palestinienne est soumise à de fortes pressions occidentales. A Washington, Paris et Londres, on freine ce scénario pour privilégier celui d’un hypothétique retour à la table de négociation. A l’inverse, « Mahmoud Abbas est par ailleurs soumis à de fortes pressions des factions palestiniennes pour qu’il lance la procédure d’adhésion » relève un diplomate européen qui s’interroge sur la marge de manœuvre d’un Président palestinien affaibli, « qui pourrait à un moment n’avoir d’autre choix que de répondre à ces demandes » en lançant le processus d’adhésion. Début-août, le ministre palestinien des Affaires étrangères Ryad Al Malki s’est rendu à La Haye au Pays-Bas, où siège la CPI. « Israël ne nous laisse pas d'autre option, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour traîner en justice les responsables de crimes de guerre et crime contre l'humanité », a déclaré le ministre… mais sans annoncer pour autant l’adhésion de la Palestine à la Cour pénale internationale.

En attendant, il existe bien une plainte, déposée par deux avocats français au nom du ministère palestinien de la Justice. Une démarche qui a de fortes chances de rester dans les limbes tant qu’une adhésion en bonne et dûe forme n’aura pas été demandée par la direction palestinienne.

Réaction israélienne

Côté israélien, le scénario d’une Palestine adhérant à la CPI est jugé « fort improbable » par Yigal Palmor, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères qui fustige « une arme de propagande ». « Ce n’est pas sérieux, poursuit le diplomate israélien selon lequel, il existe par ailleurs des preuves flagrante de l’usage des bâtiments de l’ONU pour des tirs de roquettes palestiniennes. Ces installation ont été détournées par le Hamas d’une façon qui constitue un crime de guerre caractérisé ». Cela signifie-t-il qu’en cas d’adhésion de la Palestine à l’ONU, Israël pourrait lancer des poursuites visant les groupes armés de Gaza ? Les statuts de la Cour pénale internationale l’y autoriseraient, alors même que l’Etat hébreu n’en est pas membre. Selon Zvi Tal, diplomate israélien en poste à Paris, l’Etat hébreu se prépare à une adhésion de la Palestine à la CPI, « nos experts sont certainement sur la brèche », dit-il.

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