Irak: face au blocage politique et aux violences, le choix de l'exil

Pas de miracle à Bagdad : la classe politique irakienne n’est pas parvenue à trouver un accord pour donner un nouveau gouvernement au pays, plus de trois mois après les élections. Le Parlement irakien se réunira une nouvelle fois la semaine prochaine. En attendant, les violences se poursuivent autour de Tikrit. Les candidats à l'exil se font chaque jour plus nombreux.

La paralysie institutionnelle exaspère les Irakiens qui vivent dans le chaos depuis onze années. Témoignage d'un Bagdadi :

« C’est une perte de temps car nous sommes en danger. C’est une perte de temps parce que nous attendons qu’ils agissent pour nous. Le pays est en train de partir en lambeaux, c’est ce qui se passe en ce moment même ! Il y a urgence à agir contre la menace qui pèse sur nous. Je serai en colère, très en colère, s’ils n’arrivent pas à un accord rapidement, dans les jours qui viennent. Nous avons besoin, vraiment besoin, d’un homme d’Etat. Quelqu’un comme Charles de Gaulle, ou Charlemagne ! Nous avons besoin d’un gouvernement fort. Un gouvernement unitaire qui soit celui de tous les Irakiens. Pour stopper les terroristes ! »

Alors, face aux violences et à la guerre qui menace d’éclater à l’échelle de tout le pays, un nombre croissant d’Irakiens sont en train de prendre la route de l’exil. Nos envoyés spéciaux à Bagdad, Boris Vichith et Daniel Vallot, ont rencontré un habitant de la capitale irakienne, qui envisage de quitter son pays dans les prochains jours.

La première fois que Fahad Mansour Fahad a pensé à l’exil, c’était en 2006, en pleine guerre civile irakienne, entre chiites et sunnites. Cette année-là, il perd coup sur coup son cousin, abattu de sang froid par des miliciens, et son frère aîné, tué par l’armée américaine.

« Il y a eu un attentat, et mon frère a été tué par les soldats qui étaient là. A l’époque en Irak, il y avait tellement d’attentats que les soldats américains étaient très nerveux, et ils tiraient sur n’importe qui dans la rue. Mon frère était âgé de 25 ans. »

Au fil des ans, Fahad a vu la plupart de ses amis d’enfance partir à l’étranger. Depuis le 9 juin, et la prise de Mossoul par l’Etat islamique en Irak et au Levant, ses amis l’appellent quasiment chaque jour pour lui dire de les rejoindre.

« Grâce à Dieu, je suis diplômé en droit. Je peux me débrouiller en Turquie ou ailleurs, et vivre dans un pays où il n’y a pas de violences, et pas d’armes à tous les coins de rues. Un pays où je pourrais sortir de chez moi sans risquer ma vie. Ici, de toute façon, il ne me reste plus rien. »

Encore célibataire et sans enfants, Fahad est libre de partir à tout moment. Mais il doit pour cela refaire ses papiers d’identité et obtenir un passeport. « Dès que ce sera fait, dit-il, je m’en irai d’ici, je repartirai de zéro, et j’essaierai d’oublier le cauchemar qu’est devenu mon pays. »

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