Parmi les objectifs visés par les bombardements : l'ancien palais de Saddam Hussein, renversé après l’invasion américaine de 2003 et la grande Place des festivités, où les jihadistes ont pris position. Un porte-parole du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a expliqué que les forces gouvernementales menaient des attaques en divers endroits autour de Tikrit. Des combats signalés notamment près de l’université et autour d'une base aérienne, utilisée précédemment par l'armée américaine. Selon plusieurs témoins cités par la BBC, les militaires ont rencontré une vive résistance, et ont du se replier vers la ville de Dijla, à 25 kilomètres de Tikrit.
Des milliers de soldats et des centaines de blindés sont engagés dans la bataille de Tikrit, selon des déclarations de l’armée irakienne qui affirme en outre avoir lancé une série de raids aériens sur les positions rebelles, juste avant de lancer cette offensive terrestre, rapportent nos envoyés spéciaux à Bagdad, Boris Vichith et Daniel Vallot.
Les combattants de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) n’ont qu’une alternative : fuir ou être tués, déclarait un haut gradé irakien samedi. Il est difficile cependant de confirmer l’ampleur de cette offensive et de savoir jusqu’où les troupes irakiennes ont réussi à pénétrer. Selon des habitants contactés sur place, Tikrit est toujours aux mains des insurgés.
L'armée irakienne a reçu en renfort des avions Sukhoï. Ils étaient très attendus par les militaires irakiens. « On en a vraiment besoin pour combattre les terroristes de l'Etat islamique en Irak et au Levant » expliquait le général Anwar Hama Amin. Mais les avions ne seront pas opérationnels avant quelques jours. Le gouvernement irakien avait à l'origine commandé des avions américains de type F-16. Mais la livraison a pris du retard. Du coup l'armée s'est rabattue sur le marché d'occasion russe.
Enfin, concernant un premier bilan humain de cette offensive, les autorités irakiennes affirment qu’au moins 29 insurgés ont été tués, sans avancer de chiffres du côté de l’armée.
Une offensive cruciale pour le pouvoir à Bagdad
Avec cette offensive, l’armée irakienne veut montrer qu’elle est en mesure de reprendre du terrain aux insurgés sunnites. Un succès à Tikrit serait la première victoire sur le terrain face à la rébellion depuis que celle-ci a lancé son offensive éclair, et qu’elle s’est emparée de la ville de Mossoul, le 9 juin dernier. Ce serait donc un tournant dans le conflit qui s’est engagé en Irak.
Selon Karim Pakzad, chercheur à l'IRIS, les forces irakiennes ont été réorganisées et elles sont désormais capables au moins d'arrêter l'avancée des djihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant. « La surprise des premiers jours passée, l’armée irakienne s’est réorganisée ; elle a été également renforcée par l’apport de plusieurs dizaines de milliers de miliciens chiites et ensuite, on a vu qu’il y a une réelle coordination entre l’Iran et les Etats-Unis. Les conseillers militaires américains sont en place. Ils commencent à collaborer avec l’armée irakienne. Si la situation l'exige, je pense que des frappes aériennes par drones de la part des Américains ne sont pas exclues. Ensuite, Nouri al-Maliki a annoncé qu’il a acheté des avions de combat en Biélorussie et en Russie qui seront livrés très rapidement pour lui donner les moyens aériens de mener ces combats. On assiste maintenant à un coup d’arrêt à l’avancée de l’Etat islamique en Irak et au Levant. Et également à l’avancée de l’armée irakienne ».
Contre-offensive politique de Nouri al-Maliki
La ville de Tikrit a en outre une importance symbolique et stratégique majeure, rappellent nos envoyés spéciaux. C’est la ville où est né Saddam Hussein, un bastion sunnite sur la route menant de Bagdad à Mossoul. Enfin elle se trouve entre la capitale irakienne et Baïji, la principale raffinerie du pays.
Karim Pakzad est optimiste sur les chances de réussir de cette contre-offensive. En effet, dans deux jours, le Parlement irakien doit se réunir pour désigner un nouveau chef du gouvernement. Pour Nouri al-Maliki, de plus en plus contesté, une victoire militaire à Tikrit serait un argument de poids, face à ses adversaires, afin de conserver son fauteuil de Premier ministre. Selon le chercheur, « il est maintenant quasiment acquis qu’il y aura un gouvernement élargi à Bagdad. Depuis que Ali al-Sistani, le grand ayatollah vénéré par les chiites, a pris position dans ce sens, je pense qu’il y aura un gouvernement élargi. Maintenant la question est de savoir si Nouri al-Maliki pourra rester en tant que Premier ministre ou s’il y aura un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement. La contre-offensive est lancée également sur le plan politique pour élargir le gouvernement irakien aux différentes parties arabes sunnites et aux différentes ethnies arabes sunnites pour affaiblir, pour couper quelque part l’herbe sous le pied de l’Etat islamique en Irak et au Levant ».