Nord de l'Irak: les Kurdes hésitent sur la stratégie à adopter

Le Kurdistan autonome accueille, depuis la chute de Mossoul, des milliers de déplacés dans les villages chrétiens, à Erbil, à Dohuk. Mais désormais, les Kurdes ont à quelques kilomètres un Etat islamique, ou un Etat autonome rebelle. Jusque-là protégés par les peshmergas kurdes, les chrétiens craignent de leur côté une implantation durable des islamistes dans la région.

Avec notre correspondante dans la région, Angélique Férat

Pour l’instant, les Kurdes n’ont pas lancé leur armée de peshmergas dans la bataille. Ils ne font que surveiller la fameuse ligne verte. La région, tombée aux mains des rebelles irakiens, est déjà en partie sous contrôle kurde. Depuis 2003, les villages chrétiens sont protégés par l’armée kurde, mais l'avancée des combattants de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) pourrait changer la donne.

Par une étrange ironie de l’histoire, Bagdad demande aujourd'hui l’aide militaire des Kurdes. Mais pour l’instant, le gouvernement de la région autonome joue la prudence. « Après la chute de Mossoul, Bagdad nous a demandé de nous engager, explique ainsi Barham Saleh, médiateur avec Bagdad sur la crise de Ninive, mais il était difficile de s’impliquer dans une stratégie si peu claire. Le plus efficace, c'est de protéger nos frontières de toute incursion et nous devons limiter l’impact de cette crise. L’Irak a besoin d’une solution militaire, mais aussi nous devons trouver une nouvelle stratégie politique. »

Le statu quo est intenable, mais jeudi les Kurdes ont pris le contrôle de toute la ville de Kirkouk. Lorsque l’armée irakienne a abandonné ses bases, les peshmergas ont occupé les quartiers non kurdes. Il y a eu des combats entre islamistes, rebelles sunnites et Kurdes au sud et à l’est de Kirkouk, mais les rebelles essaient manifestement de ne pas provoquer une escalade avec les Kurdes.

La crainte des chrétiens de Mossoul

A Mossoul, la vie a repris un cours plus ou moins normal : les marchés sont ouverts, les rues sont nettoyées. Certaines familles sont rentrées dans leurs maisons, mais les non musulmans ont plus de réticence à le faire. L’Etat islamique en Irak et au Levant fait peur.

Quand les médias ont annoncé l’arrivée des combattants de l'EIIL, la quasi totalité des chrétiens est partie. Sur 10 000 habitants, 90 % ont ainsi quitté la ville en quelques heures. Abou Majid est catholique. Il a fui avec sa famille. « Jusqu'ici, je n’ai pas entendu dire que ces rebelles avaient attaqué ou discriminé des chrétiens, explique-t-il. Mes amis me disent que tout va bien. Si la situation reste stable, on va repartir. Mais la peur est là toujours. Tout peut basculer. On ne veut pas rester à Mossoul, j’aimerais partir d’Irak, on voudrait émigrer et quitter ce pays. »

Nadia a fui aussi cinq fois Mossoul depuis 1991. Aujourd’hui, elle est dans le village de Bachiqa, à proximité. Elle était contre l’émigration des chrétiens. « C’est notre pays, le berceau de notre religion. Mais je n’en peux plus, il n’y aura jamais la sécurité pour nous ici ». Elle refuse de donner son vrai nom. Elle a trop peur.

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