Irak: Bagdad se barricade face à l’avancée jihadiste

Les jihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant, alliés à des tribus sunnites, sont désormais à 60 km au nord de Bagdad. Les insurgés continuent l’offensive éclair lancée mardi. Tandis que les Etats-Unis évoquent des frappes aériennes, le gouvernement irakien assure tenter de réorganiser ses forces armées pour défendre la capitale.

Cet article est réactualisé régulièrement,

L'essentiel des derniers évènements

• Les jihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant ont lancé l’offensive sur trois fronts en direction de Bagdad.
• Le gouvernement a annoncé ce vendredi un nouveau plan « pour protéger Bagdad ».
• Dans le nord-est, les peshmergas kurdes ont pris position dans plusieurs villes, dont Kirkouk, pour faire face à une éventuelle offensive jihadiste.
• Les Etats-Unis disent étudier « toutes les options possibles » pour contrer l’avancée jihadiste.
• Le Conseil de sécurité des Nations unies n’a abouti à aucune avancée concrète.
• Les réfugiés continuent d’affluer au Kurdistan, à Erbil.


■ L’offensive sur trois fronts

• Avancée fulgurante par le nord. Après l’offensive lancée mardi par l’EIIL, les villes de Mossoul et Tikrit sont rapidement tombées aux mains des jihadistes, qui continuent leur avancée le long du Tigre, vers le sud, en direction de la capitale irakienne. Jeudi, l’avancée des jihadistes a été stoppée à Samarra, où des combats ont eut lieu. Des renforts jihadistes sont arrivés aux alentours de Samarra ce vendredi, selon des responsables irakiens et des témoins cités par l’Agence France-Presse. La commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a fait état « d'informations sur des exécutions sommaires et extrajudiciaires » de soldats irakiens lors de la prise de Mossoul.

• Des combats au nord-est de Bagdad. Des combats se déroulent ce vendredi 13 juin également à Baqouba, une ville située à 60 kilomètres au nord de Bagdad, entre les jihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant alliés à des tribus sunnites et les forces gouvernementales irakiennes. La province de Diyala, dont Baqouba est la capitale, fait l’objet d’une lutte acharnée. Jeudi, l’EIIL a pris deux villages, qu’elle a aussitôt quittés pour lancer l’assaut sur Baqouba. Dès que les jihadistes ont quitté les lieux, les peshmergas kurdes ont pris possession des deux villages.

• A l’ouest, les jihadistes sont déjà présents. Les jihadistes de l’EIIL contrôlent déjà la ville de Fallouja, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Bagdad, depuis janvier dernier.
 

■ Le gouvernement met en place un plan de protection de la capitale

Le gouvernement irakien a annoncé ce vendredi avoir mis en place un « nouveau plan pour protéger Bagdad ». Le général Saad Maan, porte-parole du ministère de l’Intérieur, a souligné que le gouvernement était face à « une situation exceptionnelle et tout relâchement permettra à l'ennemi de tenter d'attaquer Bagdad ». Ce nouveau plan prévoit notamment le déploiement de forces de sécurité aux alentours de Bagdad. Nouri al-Maliki, le Premier ministre, avait de son côté appelé les tribus à la formation d’unités de volontaires pour renforcer les rangs de l’armée gouvernementale.

Le grand ayatollah Ali al-Sistani a relayé cet appel, ce vendredi, lors de la prière à Karabala. « Les citoyens capables de prendre les armes et de combattre les terroristes, de défendre leur pays, leur peuple et leurs lieux saints, devraient se porter volontaires et rejoindre les forces de sécurité pour réaliser cette mission sacrée », a déclaré le cheikh Abdel Mehdi al-Karbalaïle au nom du leader chiite. « Celui qui meurt au service de la défense de la patrie, de sa famille et de son honneur, sera considéré comme un martyr », a-t-il ajouté.

Face à la spectaculaire offensive des jihadistes, les forces de sécurité et les militaires irakiens semblent n’avoir opposé que peu de résistance, fuyant devant l’avancée des jihadistes alliés aux tribus sunnites du nord. Selon de nombreux spécialistes et observateurs, cette rapidité dans la progression des troupes d’EIIL et de ses alliés a été facilitée par le fait que la région est majoritairement sunnite, donc opposée au gouvernement du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, notamment accusé d’avoir marginalisé les élites sunnites.

Pierre Conesa, maître de conférence à Science-Po Paris, invité ce vendredi matin de Frédéric Rivière sur RFI, a insisté sur le fait que la situation en Irak « ne fait que révéler les faiblesses internes de l’Etat irakien laissé en place par les Américains. C’est-à-dire cette concentration du pouvoir sur les chiites et en particulier sur la politique qu’a menée al-Maliki pour ne pas associer tout ce qui pouvait être récupéré de l’ancien Etat baasiste

■ Les Etats-Unis envisagent « toutes les options »

« Ce que nous avons vu ces derniers jours indique à quel point l’Irak a besoin d’aide », a indiqué, jeudi, Barack Obama. Le président américain affirme que son équipe « travaille sans relâche pour voir comment nous pouvons apporter l’assistance la plus efficace possible. Je n’exclus rien », a-t-il affirmé. Si l’hypothèse d’une intervention aérienne, notamment à l’aide de drones, est avancée, la Maison Blanche se refuse à envoyer des troupes au sol, comme le rapporte notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio.

■ Les Nations unies impuissantes

Au siège des Nations unies, à New York, la réunion d'urgence sur la situation en Irak qui s'est tenue jeudi n'a débouché sur aucun élément concret. Autour de la table, les intervenants au Conseil de sécurité se sont limités à appeler le gouvernement irakien chiite à dialoguer avec les populations sunnites, rapporte notre correspondant à New York, Karim Lebhour. Et si les diplomates ont fait part de leur effroi, aucune action concrète n'est à attendre dans l'immédiat de la part de l'ONU qui dispose de moyens très limités en Irak.
 

■ Les Kurdes prêts à faire face

Les autorités kurdes ont pris position pour faire face à une éventuelle incursion des jihadistes dans la région autonome kurde d’Irak. Les peshmergas ont notamment pris le contrôle total de Kirkouk, jeudi. Un appel à la mobilisation générale a également été lancé auprès des combattants kurdes présents en Irak, en Turquie et en Syrie, pour faire face à cet ennemi commun que constituent les jihadistes d’EIIL alliés aux tribus sunnites, comme le rapporte notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion.

■ Fuite des populations

Des centaines de milliers de personnes ont fui devant l’avancée des jihadistes. Ils seraient 500 000, selon l’Organisation internationale des migrations (OIM). La majeure partie a trouvé refuge dans la région autonome kurde, où il y aurait près de 200 000 déplacés à Dohuk et 100 000 à Erbil. Notre envoyée spéciale, Angélique Ferrat, actuellement sur place, raconte une situation confuse, où la peur et l’inquiétude prédominent

Lors d'un point presse à Genève, ce vendredi, Christiane Berthiaume, la porte-parole de l'OIM a estimé qu'environ 40 000 civils avaient fui Tikrit et Samara. « La situation est très volatile, les gens bougent. La plupart des gens en ce moment fuient les combats », a-t-elle déclaré. « A Mossoul, les hôpitaux ne sont pas accessibles, les écoles et mosquées ont été converties en cliniques de fortune pour s'occuper des blessés. Les familles dans l'ouest de la ville ont très peu accès à l'eau potable et la population de la ville entière n'a accès à l'électricité que quelques heures par jour », a-t-elle rapporté. Mandie Alexander, coordinatrice des opérations de l'OIM en Irak, a pour sa part évoqué une situatiion qui « se détériore d'heure en heure ». Elle affirme que l'Irak plonge dans « une crise humanitaire prolongée ». L'OIM estime avoir besoin de 15 millions de dollars (1,1 million d'euro) pour faire face à la crise. 

Le Programme alimentaire mondial a pour sa part annoncé l'envoi de 550 tonnes de nourriture par mois à Erbil. « Dans certaines régions, aux frontières entre l'Irak et le Kurdistan, où des personnes nouvellement déplacées affluent, il n’y aurait plus de nourriture disponible dans les magasins. Répondre aux besoins alimentaires des groupes les plus vulnérables est une étape cruciale de la mission du PAM dans le pays », a déclaré Jane Pearce, la responsable du PAM en Irak.

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