Première présidentielle de l’histoire en Syrie

Ce mardi, les Syriens sont appelés aux urnes. Mais avant même d’avoir débuté, le scrutin présidentiel est décrié par certains pays occidentaux parmi lesquels la France. Paris parle d’un vote « sans intérêt » d’abord parce que seule une partie des Syriens va pouvoir s’exprimer ensuite parce qu’à l’issue de ce vote le président Bachar el-Assad est certain d’être réélu.

En Syrie, seuls les habitants des zones contrôlées par le régime peuvent voter. A travers tout le pays, ces Syriens représentent 60% de la population. En théorie, ce mardi les bureaux de vote accueilleront également les déplacés. Ces civils ayant fui les combats à l’intérieur du pays ont eux aussi le droit de voter. Trois candidats sont en lice mais il n’y a qu’un seul favori : Bachar el-Assad.

Dans la partie ouest d’Alep, comme dans toutes les régions de Syrie contrôlées par Damas, la majorité de la population soutient Bachar el-Assad par conviction ou simplement parce qu’elle voit en lui la solution pour mettre fin au calvaire syrien. « Je me considère comme un démocrate, je suis donc contre le parti unique et je m’oppose à ce qu’un président soit élu à vie », tient à préciser Samir, un habitant d’Alep-ouest contacté par téléphone. « Mais dans les circonstances actuelles, alors que des forces terroristes attaquent la Syrie, il est primordial d’élire un président qui puisse réunifier le pays. A mon avis, la seule personne qui puisse y parvenir : c’est Bachar el-Assad », explique-t-il.

Les forces terroristes dont parle ce Syrien, ce sont les rebelles. Depuis plusieurs mois Alep est coupée en deux. Pouvoir et opposition se partagent cette ville où vivaient, avant la guerre, plus de deux millions d’habitants. Aujourd’hui la partie est d’Alep est quotidiennement bombardée par l’aviation de Bachar al Assad. Ses quartiers en ruine se sont progressivement vidés de leur population durant les trois dernières années. À Alep-est il n'y aura pas de vote et pour des raisons évidentes : d’abord les conditions sécuritaires ne le permettent pas. Ensuite, l’opposition qui contrôle cette zone a décidé de boycotter le scrutin. Pour elle, cette élection est une mascarade censée reconduire Bachar el-Assad au pouvoir. « Comment peut-on espérer de Bachar el-Assad qu’il parvienne à réunifier la Syrie alors qu’il a détruit les trois quarts du pays », s’indigne Abu Fares, un militant de l’opposition vivant à Alep-est. « Bachar el-Assad a tué plus de deux cent mille personnes et en a jeté plus de neuf millions dans la rue. Cet homme ne fera jamais plus consensus. Je reconnais qu’une partie des Syriens voient en lui l’unique recours, mais ces gens là sont minoritaires », affirme ce jeune militant.

Bachar el-Assad réélu pour 7 ans

Pourtant selon un rapport des services de renseignements américains, 75% des Syriens seraient favorables au maintien de Bachar el-Assad au pouvoir. Certains le soutiennent par conviction mais beaucoup d’autres veulent juste retrouver la paix et la stabilité. « Aux yeux de son peuple Bachar el-Assad paraît comme l’homme fort, l’homme d’Etat sage », analyse Bassam Tahhan. Selon ce professeur franco-syrien, spécialiste de la Syrie, petit à petit Bachar el-Assad devient un héros qui incarne la légitimité.

A l’issue de ce vote Bachar el-Assad sera sans aucun doute reconduit pour un mandat de sept ans. C’est la première fois dans l’histoire de la Syrie qu’un président est sur le point d’être élu. Auparavant la présidentielle syrienne se tenait sous forme de référendum.

Les Syriens de France privés de vote

Le 28 mai dernier, les Syriens de l’étranger ont pu glisser le bulletin dans l’urne. Au Liban, où sont réfugiés un million et demi de Syriens, plus de deux cent mille personnes ont pu voter. L’ambassade syrienne au pays du Cèdre a même dû prolonger l’opération de vote de vingt quatre heures.

Toutefois, les Syriens de France, d’Allemagne et de Belgique n’ont pas été autorisés à participer à cette élection. Paris a qualifié la présidentielle syrienne « d’absurdité ». Explication du Quai d’Orsay : « Le président syrien responsable de la mort de cent cinquante mille personnes ne saurait représenter l’avenir du peuple syrien». Damas a dénoncé une décision « en contradiction avec les lois et traités internationaux ». Le ministère des Affaires étrangères français s’est alors défendu d’avoir violé une quelconque loi : « la tenue d’un scrutin étranger sur le sol français est régie par la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Cette Convention permet à la France de s’opposer à des élections étrangères sur son territoire. »

Mais malgré cette interdiction, des Syriens de France ont tout de même organisé un vote symbolique à Paris. Le professeur Bassam Tahhan y a assisté et selon lui, le vote parisien aurait crédité Bachar el-Assad de près de 95% des voix. « Les autorités françaises ont interdit la tenue de la présidentielle syrienne sur leur territoire parce qu’elles savaient que les Syriens de Paris allaient voter pour Bachar el-Assad. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit et on peut dire que c’est un véritable camouflet pour le Quai d’Orsay et la politique qu’il mène à l’encontre de Damas », conclut Bassam Tahhan.

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