De notre correspondante à Jérusalem,
« Il est peut-être temps de faire une pause ». Barack Obama a pris jeudi dernier la mesure de ce qu’il restait encore à accomplir pour arriver à un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. Les négociations ravivées en juillet dernier par les Etats-Unis se sont achevées après 9 mois, sur un constat d’échec. C’est même « un fiasco » selon le politologue Denis Charbit, de l’Université ouverte d’Israël, alors que « pourtant on sentait que des choses bougeaient à un moment ».
L’hiver dernier, John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, avait parlé d’un accord-cadre abordant toutes les questions-clés du conflit israélo-palestinien (frontières, sécurité, statut de Jérusalem, question des réfugiés). Yigal Palmor, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères confirme : « Il y a eu des avancées sur les questions de territoires et de sécurité, même s’il restait beaucoup à faire ». Et de déplorer l’échec des négociations, qu’il attribue aux Palestiniens. « Ils ont posé toujours plus de conditions » lors des discussions.
Pourtant ce sont les Israéliens qui ont déclenché la crise en ne libérant pas, fin mars, une trentaine de prisonniers palestiniens, comme ils s’y étaient engagés. En réponse, les Palestiniens ont relancé leurs demandes d’adhésion auprès de l’ONU, espérant à terme faire condamner Israël pour sa politique d’occupation. Ils ont ensuite annoncé une réconciliation entre le Fatah de Mahmoud Abbas et le mouvement islamiste du Hamas. Le pas de trop pour Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, qui refuse de négocier avec « une organisation qui veut la destruction d’Israël ».
« Pas d’ambition pour régler le conflit israélo-palestinien »
Les négociations de paix ont donc été suspendues prématurément, jeudi dernier, par les Israéliens à cause de cette réconciliation. « Un prétexte, selon Majed Bamya, responsable de la question des prisonniers au ministère palestinien des Affaires étrangères. Israël a durant 9 mois refusé de discuter des vrais sujets comme les frontières de 1967, pour tenter de nous lancer sur la reconnaissance de l’Etat juif ou comme leur présence dans la vallée du Jourdain qui est notre frontière avec la Jordanie. Nous avons l’impression que leur tactique a été d’éviter d’avoir des négociations sérieuses et d’aboutir à un accord. »
Les deux parties s’accusent mutuellement d’avoir fait échouer le processus de paix. Le politologue Denis Charbit estime, lui, que président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu sont tous deux responsables : « Il y a pour Abbas trop de compromis historiques à faire pour aboutir à un traité de paix. Netanyahu, lui, est l’otage de son idéologie et de ses alliés. Ce qu’il veut c’est juste gérer la situation. Ni l’un ni l’autre n’ont l’ambition requise pour arriver à un règlement du problème. »
Et après ?
Une période d’incertitude s’ouvre donc. Les Palestiniens vont poursuivre leurs demandes d’adhésion auprès des instances internationales. Ils ont également annoncé la formation d’un gouvernement d’union nationale d’ici cinq semaines. Mahmoud Abbas a promis que ce gouvernement serait un gouvernement de technocrates suivant sa ligne, c’est-à-dire la reconnaissance d’Israël et le non recours à la violence. Le président de l’Autorité palestinienne tente ainsi de donner des gages à une communauté internationale inquiète de la présence du Hamas dans un futur gouvernement palestinien.
Israël, de son côté, a déjà lancé de nouvelles sanctions, comme le gel d’autorisations de construction pour les Palestiniens en Cisjordanie, alors que la colonisation israélienne elle, se poursuit. 14 000 logements ont été approuvés dans les colonies durant les 9 mois de négociations, selon l’organisation La Paix maintenant.
Au sein du gouvernement israélien, des solutions radicales sont proposées. Naftali Benett, ministre de l’Economie et chef du Foyer juif, revendique l’annexion pure et simple des 60 % de la Cisjordanie sous contrôle israélien, territoire où vivent 350 000 colons. « La solution à deux Etats ou un Etat a vécu, il faut être réaliste », a déclaré Bennett devant la presse étrangère dimanche. Son point de vue est pour l’instant loin d’être majoritaire.