Dans le piège des zones syriennes assiégées

La faim est utilisée comme une arme de guerre en Syrie, où des dizaines de milliers de civils sont pris au piège dans des zones encerclées par l’armée. C'est le cas notamment du camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, à Damas, où près de 130 personnes sont mortes de faim ces derniers mois.

Jusqu’en 2011, Yarmouk ressemblait à tous les camps de réfugiés palestiniens du Proche-Orient. Plus de six décennies après l’exode palestinien de 1948, le camp s’était mué en quartier de l’agglomération de Damas, abritant environ 150 000 personnes, palestiniennes dans leur très grande majorité. Lorsque le conflit syrien a éclaté en mars 2011, les factions palestiniennes de Yarmouk se sont d'abord déchirées, certaines combattant aux côtés du régime de Bachar el-Assad, d'autres au sein de la rébellion.

Mais depuis l'été 2013 le camp de Yarmouk est encerclé par l'armée de Bachar el-Assad, qui assiège des combattants palestiniens et syriens. Et de 18 000 à 20 000 personnes sont prises au piège, dans une situation humanitaire désastreuse. 128 personnes sont mortes de faim à Yarmouk depuis le début du siège, selon Amnesty International. « C’est une tactique de guerre, explique Philip Luther d’Amnesty International. Mais le droit international est très clair là-dessus : il est toujours tout à fait inacceptable de bloquer l’acheminement de denrées de base dans un endroit, même si des groupes armés s’y trouvent. »

Un accès extrêmement difficile

C'est l'UNRWA, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, qui tente de distribuer de l'aide alimentaire à Yarmouk. Opération extrêmement délicate : mardi 18 mars, l'agence onusienne a pu distribuer des rations alimentaires pour la première fois depuis deux semaines. Mais le lendemain, les camions de l'UNRWA ont dû rebrousser chemin car la colère, la faim et la détresse des habitants de Yarmouk ont crée une situation chaotique, qui a empêché toute distribution.

Pour l’UNRWA l’accès à Yarmouk est un véritable casse-tête. « Nous communiquons avec les autorités syriennes, c'est absolument indispensable, explique Chris Gunness, porte-parole de l’Agence. Mais bien sûr nous devons aussi parler aux différentes forces en présence à l'intérieur de Yarmouk, car lorsqu'on arrive à l'entrée-nord du camp, la zone contrôlée par le gouvernement donne sur un no man's land encadré par des snipers. Et de l'autre côté, il y a les positions rebelles mais aussi les factions palestiniennes à l'intérieur du camp... Et bien sûr nous devons leur parler pour effectuer notre travail humanitaire... »

Homs : deux ans de siège

Yarmouk n’est pas la seule des zones assiégées en Syrie. A Homs, dans le centre du pays, plusieurs quartiers dont la celui de la Vieille-Ville sont encerclés depuis près de 2 ans. Environ 1 500 civils ont toutefois pu être évacués ces dernières semaines à la faveur d'une trêve entre régime et rebelles. On recense également des zones assiégées dans la région de Damas et dans le nord de la Syrie. Selon les ONG, 250 000 personnes seraient aujourd'hui ainsi prises au piège dans le pays.

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Et puis, il y a les secteurs qui ne sont pas forcément encerclés militairement mais qui sont difficiles d'accès. C'est le cas de la région de Qamishli dans le nord-est. Ce jeudi, le Programme alimentaire mondial a pu faire entrer un convoi par la frontière turque, mais ces dernières semaines il avait fallu organiser un pont aérien depuis le Kurdistan irakien pour ravitailler cette région.

La faim comme arme de guerre

Dans un récent rapport, l'ONG Amnesty International a dénoncé l'usage de « la faim comme arme de guerre » en Syrie. Pourtant le Conseil de sécurité de l'ONU a voté il y a moins d'un mois une résolution portant sur l'accès humanitaire. Un texte voté à l'unanimité du Conseil de sécurité alors que, depuis trois ans, toutes les autres résolutions sur la Syrie ont été bloquées pour cause de divisions à l'ONU, la Russie soutenant très fermement son allié syrien. Depuis le 22 février dernier, la résolution 2139 appelle toutes les parties « à lever immédiatement les sièges des zones peuplées » et « exige que toutes les parties, et en particulier les autorités syriennes, autorisent sans délai un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave ».

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