La longue marche vers un accord sur le nucléaire iranien

De nouvelles négociations sur le nucléaire iranien se sont ouvertes ce mardi à Vienne (Autriche). Après l’accord intérimaire conclu en novembre dernier à Genève, les négociateurs américain, russe, chinois, français, britannique et allemand ont rendez-vous avec leur interlocuteur iranien, pour tenter de parvenir cette fois à un règlement définitif.

L’accord intérimaire signé à Vienne le 24 novembre dernier repose sur une double suspension : l’Iran a accepté de freiner une partie de ses activités nucléaires et a obtenu en échange la suspension d’une partie des sanctions qui pèsent durement sur son économie. Entré en vigueur le 20 janvier 2014, cet accord est logiquement suivi de nouvelles négociations pour parvenir à un règlement final de ce bras de fer international.

Les discussions vont donc aborder des questions cruciales : combien de centrifugeuses l’Iran pourra-t-il faire tourner dans l’avenir pour enrichir de l’uranium (elles sont environ 20 000 aujourd’hui) ? Dans combien de sites nucléaires ? Avec quelles garanties de surveillance ? Quid du site nucléaire d’Arak, susceptible de produire du plutonium ? Etc. « Avec la même approche qu’à Genève, nous voulons faire valoir nos droits nucléaires et notamment le droit à l’enrichissement d’uranium sur le sol iranien. Et nous devons aussi répondre aux inquiétudes légitimes des Occidentaux », explique Majid Takht-Ravanchi, vice-ministre iranien des Affaires étrangères et membre de l’équipe de négociations sur le nucléaire. « Il faut que nous arrivions à une solution 'win-win' », assure le diplomate iranien.

« Droit à l’enrichissement »

Plus facile à dire qu’à faire ? La question du « droit à l’enrichissement » que met en avant le vice-ministre iranien constitue un obstacle en puissance. Depuis des années, la République islamique brandit ce « droit » que lui reconnaît notamment son allié russe (membre des « 5+1 » qui négocient avec Téhéran). « Le droit à l’enrichissement n’est mentionné nulle part dans le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) », répondent des diplomates occidentaux. Sera-t-il possible de rédiger un texte qui mettrait tout le monde d’accord ?

« Puissance du seuil ? »

Lors des négociations de Vienne, les Occidentaux ont décidé de prendre l’Iran au mot : puisque la République islamique affirme qu’elle ne veut pas la bombe atomique, alors il lui sera demandé de réduire la voilure de son vaste programme nucléaire « dont les dimensions sont incompatibles avec un programme civil », selon des sources proches des négociations.

Qui dit vrai ? « Logiquement, l’Iran n’a pas besoin de nucléaire », nous confie Reza Khazaneh, ancien de l’Agence iranienne de l’énergie atomique où il a travaillé avant et après la Révolution islamique. « Les installations nucléaires permettent d’avoir un certain niveau en temps de crise. L’Iran doit être prêt car Israël possède des engins nucléaires. » Selon ce professionnel de l’atome, « le programme nucléaire militaire de l’Iran a bien été arrêté en 2003 comme l’on dit les agences de renseignement américaines. Mais l’Iran doit avoir les mains libres pour affronter des situations difficiles au Moyen-Orient. »

L’Iran souhaite-t-il devenir une « puissance du seuil », en réglant son contentieux international tout en conservant une partie de son acquis technologique ? Scénario inacceptable pour les Occidentaux : « pas question de signer un accord permettant à l’Iran de rester à 15 jours de la fabrication d’une bombe », résume une source européenne.

Equation politique intérieure

Le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a jeté un froid à la veille de la reprise des négociations, en affirmant qu’elles « ne mèneraient nulle part ». Il a cependant ajouté dit qu’il ne s’y opposait pas, comme s’il laissait le président Hassan Rohani en première ligne dans cette affaire. Elu en juin dernier, Hassan Rohani a fait campagne en promettant la levée des sanctions internationales qui frappent durement l’Iran. « C’est un modéré, un centriste, pas un réformateur. C’est un homme du sérail », rappelle François Nicoullaud, ambassadeur de France à Téhéran au début des années 2000 où il a bien connu Hassan Rohani alors négociateur… dans le dossier du nucléaire. « Il fait face à une équation intérieure complexe, détaille l'ancien diplomate, il a été élu dès le premier tour avec près de 51% des voix mais il doit cohabiter avec un Parlement fondamentaliste. » Quant au Guide suprême, il est le garant des équilibres du régime, « et si les conservateurs reprenaient du poil de la bête, il pourrait retirer son soutien à Rohani ».

→ A relire: L'Iran est-il prêt à regagner l'estime perdue ?

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