Dans le bazar d’Ispahan, Erfan Shahbazi, jeune artisan, travaille le cuivre. Dans son atelier, le bruit des marteaux se mêle aux chants patriotiques et sermons du guide suprême. A l’occasion du 35e anniversaire de la révolution, la radio les diffuse en boucle. Erfan, âgé d’à peine 18 ans, regrette de ne pas avoir connu l’ayatollah Khomeiny, décédé en 1989. « Lorsque j’entends ses discours j’éprouve un sentiment particulier », confie le jeune homme. « Je me sens comme transporté... Je n’ai pas connu la période durant laquelle il a été au pouvoir, mais j’ai lu ses livres et les plus âgés m’ont raconté plein de détails. Je ne connais pas encore très bien sa vie mais j’arrive à percevoir, à imaginer l’Iran du temps de l’imam ».
A sa mort l’ayatollah Khomeiny a été remplacé par l’ayatollah Khamenei. En Iran, lorsqu’on aperçoit le portrait du premier, celui du second n’est jamais loin. Pourtant même si ce successeur est énormément respecté, il ne suscite pas la même ferveur populaire.
« Certains tournent le dos à la révolution »
Les haut-parleurs de la mosquée Al Imam d’Ispahan portent au loin l’appel à la prière. C’est le dernier vendredi avant le 35e anniversaire de la révolution, célébré ce 11 février. Une fois leur devoir religieux accompli, de nombreux Iraniens se réunissent sur la grande place de la ville. Accompagné de sa fille, Ahmad Assadi regrette le laisser-aller qui touche, selon lui, une partie de la société iranienne. « En Iran certains ont violé les valeurs de la révolution mais beaucoup d’autres les respectent toujours. Ceux qui ont déjà connu l’imam Khomeiny lui restent fidèles et ceux-là représentent la majorité, se réjouit ce jeune père de famille. Toutefois, on ne peut pas le nier : il y a des personnes qui ont tourné le dos aux principes de la révolution », se plaint-il.
« On nous empêche d'être libres »
Shadi, 20 ans, le reconnaît volontiers : elle fait partie de ceux qui ont « tourné le dos à la révolution islamique ». Dans un centre commercial d’Ispahan, Shadi se balade main dans la main avec son amie Zahra. Les deux filles portent le voile – une obligation pour toutes les femmes depuis 35 ans – même si celui de Shadi laisse transparaître une coupe de cheveux inhabituelle. La jeune anticonformiste s’est rasée toute la partie gauche de la tête. Pour elle, la révolution iranienne n’apporte rien de bon au pays. « Cet anniversaire n’évoque rien pour moi et c’est mieux comme ça… Pour moi ce ne sont pas dix jours de célébrations mais dix jours de peine. On nous empêche d’être libres. Vous me voyez avec ma coupe de cheveux ? A cause de cette coupe, je me fais arrêter. Je ne suis pas libre ! », s’indigne-t-elle.
■ L’ayatollah Khomeiny en quelques dates
En 1964, l’opposant Khomeiny quitte l’Iran pour la Turquie puis l’Irak. Son chemin de l’exil le conduit également en France. Il s’installe en 1978 dans la commune de Neauphle-le-Château dans le département des Yvelines. A partir de cette petite localité d’Île-de-France, il enregistre et envoie en Iran des prêches enflammés. Pendant ce temps, la monarchie vacille. Le shah d’Iran renonce au pouvoir et fuit son pays le 16 janvier 1979.
Arrivée de Khomeiny en Iran : un moment historique
Le 1er février 1979, un appareil de la compagnie Air France atterrit à Téhéran. A son bord, Rouhollah Mousavi Khomeiny. Le vieil homme, âgé de soixante-dix-sept ans, sort de l’avion, il tient la main d’un steward français qui l’aide à descendre les marches de la passerelle jusqu’au tarmac. Le dignitaire religieux est accueilli par une foule en liesse. L’instant est immortalisé. Les photos de cette scène tapissent actuellement les murs de toutes les villes iraniennes à l’occasion de l’anniversaire de la révolution.