L’opposition confirme son intention de participer le 22 janvier prochain à la conférence de paix Genève 2. Après des mois de négociations, de tractations, bras de fer diplomatique, vous allez à Genève avec la volonté de mettre un terme au bain de sang en Syrie ?
Comme vous le savez certainement, l'objectif principal de la révolution syrienne est que le peuple syrien obtienne sa liberté et sa dignité pour sortir de l'oppression et de l'esclavage imposé par le régime durant les cinquante dernières années. Ce point de départ constitue l'essentiel de nos faits et gestes. A partir de là, nous avons décidé de participer à la conférence de paix Genève 2 afin de mettre un terme au conflit syrien et de parvenir à une période transitoire durant laquelle nous obtiendrons toutes les prérogatives sécuritaires, militaires, les renseignements, les finances du pays et toutes les institutions vitales de l'Etat.
Tout cela est déjà contenu dans Genève 1. Et nous allons participer à Genève 2 pour confirmer cela. Toutes les parties devront signer cet accord et s'engager à l'appliquer. Il est clair que les documents de Genève 1 vont constituer la base de Genève 2. Ce ne sont pas des textes qui peuvent être interprétés librement. C'est là notre vision des choses.
A quoi vous attendez-vous exactement puisque le régime a affirmé son intention de ne pas céder le pouvoir ?
Les déclarations du régime syrien ne valent que pour lui, et pas pour la communauté internationale ni pour l'opposition. Avant d'aller à Genève, le régime durcit le ton en pensant renforcer sa position dans la négociation. Nous n'accordons pas d'importance à ce qu'il déclare. Ce qui compte pour nous, c'est ce qui va se passer durant cette conférence. Si le régime refuse de signer l'accord de Genève 2, et bien dans ce cas la responsabilité de la communauté internationale sera engagée, la balle sera dans son camp. La communauté internationale nous a assuré que la conférence Genève 2 se soldera par la signature d'un accord prévoyant une période transitoire avec le transfert de toutes les prérogatives à l'opposition.
Imaginons un seul instant que vous parveniez un accord avec le régime. Il y aura une période transitoire. Une fois au pouvoir vous pensez pouvoir fédérer les groupes islamistes ?
Nous connaissons la nature du peuple syrien. Nous sommes les enfants de ce peuple et nous savons que cette communauté est modérée. Nous ne sommes pas un peuple qui prône l'extrémisme. Notre peuple veut la liberté et la dignité. Il veut la démocratie, l'Etat de droit. Il veut la liberté d'expression. Que tout le monde puisse défendre son point de vue, le pluralisme politique. Ce sont les fondements de la liberté et de la démocratie.
Ce qui s'est passé en Syrie, c'est qu'après le début de la révolution et à cause de la forte pression qu'a exercée le régime qui a tué son peuple et l'a transformé en un peuple de réfugiés et de déplacés, à cause des emprisonnements abusifs, la révolution syrienne qui était pacifique s'est transformée en un conflit armé. Le régime est le principal fautif, il a obligé le peuple à prendre les armes contre lui. Tout cela a créé une nouvelle situation et la naissance de ces groupes qui défendent une idéologie extrémiste. Ces groupes ont importé des idées diamétralement opposées à celles des Syriens. Ces idées ne sont ni le présent ni l'avenir du peuple syrien.
A cause de la pauvreté, du besoin, de la situation difficile, beaucoup de gens ont été obligés de rejoindre ces groupes afin d'assurer le minimum vital à leurs familles. Comme vous le savez, les groupes radicaux paient 200 dollars par mois à tous les combattants qui les rejoignent. Une étude que nous avons effectuée démontre que plus de 80% des combattants au sein des groupes radicaux les ont rejoints pour l'argent. Enormément de combattants de ces groupes ont contacté le gouvernement provisoire de l'opposition pour nous demander si nous pouvions leur garantir un emploi et un revenu minimum dans ce cas ils assurent vouloir revenir à la vie civile. Ils nous disent vouloir vivre une vie normale.
Vous avez rencontré le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. De quoi avez-vous discuté avec les autorités françaises ?
Ce fut une rencontre très positive. Les Français nous ont demandé ce que nous, gouvernement provisoire, attendions d'eux. Ce que la France peut faire pour aider le peuple syrien afin de le sortir de la grande tragédie qu'il est en train de vivre. Nous avons aussi abordé la question de Genève 2. Et nous avons évoqué des questions politiques qui concernent directement la révolution syrienne et la façon de les régler.
Il y a une inquiétude de plus en plus grandissante concernant les minorités en Syrie. La minorité chrétienne est très visée, on l’a vu cette semaine avec la reprise par les groupes islamistes de la ville de Maaloula. Comment pouvez-vous protéger cette minorité ?
Nous vivons toujours avec nos frères chrétiens au sein de notre belle Syrie depuis des milliers d'années. Ni eux, ni nous, ni aucune communauté n’est arrivée récemment dans ce pays. Nous sommes tous originaires de ce pays ! Et nous avons toujours vécu en paix. Ce qui se passe à Maaloula nous contrarie énormément.
Nous avons honte de n'être pas parvenus à protéger les religieuses de cette ville. Je veux juste réaffirmer qu'avec les chrétiens, nous sommes les enfants d'un même pays, nous avons une histoire commune et un destin commun.