Le Libanais Jabbour Douaihy reçoit le Prix de la jeune littérature arabe

Le Prix de la jeune littérature arabe sera décerné ce lundi 25 novembre à 18h30 à l'Institut du monde arabe à Paris. Dans son troisième roman, Saint Georges regardait ailleurs (Actes Sud), l’écrivain libanais Jabbour Douaihy retrace, sur fond de guerre civile libanaise déclenchée en 1975, l'histoire d'un jeune homme parti du nord du pays vers la capitale. Un peu comme l'auteur originaire d'un village du nord de la montagne près des cèdres et qui s'est installé à Beyrouth au moment de la guerre.

Saint Georges regardait ailleurs, c’est le titre de votre roman. Il regardait où Saint Georges ? C’est où cet ailleurs ?

Cet ailleurs est le fait que le saint patron de Beyrouth était distrait à ce moment-là, au moment où la guerre a éclaté, où le Liban est entré dans une guerre civile sans merci.

Il s’agit de Nizam, votre héros. Vous racontez l’histoire de ce garçon, né musulman, à Tripoli, la ville du nord du Liban, puis baptisé, car il est adopté par un couple de chrétiens. Nizam, étant ainsi en marge, est en quelque sorte spectateur de sa vie et de ce qui l’entoure. À un moment, il se retrouve à Beyrouth, dans une grande maison. Il accueille ses amis qui sont des militants de gauche et on a l’impression qu’il regarde tout cela comme un théâtre.

Nizam est peu acteur, il est peu sujet, c’est un peu le destin des gens qui, comme lui, se voient entraînés dans une logique à laquelle ils n’ont pas beaucoup participé, mais dont ils subissent, coup sur coup, toutes les conséquences.

Votre roman se situe au début de la guerre civile. C’est là que Nizam se retrouve à Beyrouth, au déclenchement de la guerre civile. Et cette façon que vous avez de présenter ces militants de gauche à travers les yeux de ce héros qui n’est pas impliqué là-dedans, est-ce que c’est aussi votre regard d’aujourd’hui sur cette agitation qui a emporté le pays, qui est peut-être aussi un théâtre, un théâtre dangereux.

Si on regarde aujourd’hui, bien sûr calmé après toutes les fougues d’une jeunesse de gauche et estudiantine, c’était aussi mon regard à moi, au moment où je suis descendu de mon village du nord à la capitale. J’ai vu tout cela, ce jeu de pseudonymes qu’on se donnait, ce nom de guerre, comme c’était un jeu et qui, brusquement, s’est transformé en réalité. Et notre jeu de militant s’est transformé en une guerre civile. C’est un peu ça, sans vouloir trop culpabiliser la gauche, mais elle est coupable comme bien d’autres. On a vu le cauchemar prendre forme.

Nous sommes en 2013, près de 40 ans après, et le pays est toujours très fragile. Aujourd’hui, le Liban connaît un flux de réfugiés très important de la Syrie. Comment voyez-vous l’avenir ?

On ne peut pas dire que l’avenir soit éclairci, mais je crois que le Liban est ça. Cela fait trop longtemps que notre pays connaît les soubresauts régionaux. Je ne fais pas une victime des Libanais, ils sont partie prenante dans divers conflits. L’identification communautaire a

beaucoup contribué à cela. Il se peut que l’horizon devienne brusquement clair, un moment donné. Moi, j’imagine qu’un changement radical en Syrie entraînera un changement au Liban. Mais, dans l’état actuel des choses en 2013, avec une sorte d’équilibre de la violence, on piétine.

Le Liban est un pays aux identités complexes et vous vous en rendez très bien compte dans votre livre. Vous en faites partie, vous maîtrisez très bien la langue française et vous êtes professeur de littérature française, mais vous avez choisi la langue arabe pour écrire ce roman. Comment s’est fait ce choix ?

Le français est la langue dans laquelle j’écris ce qui est un peu logique, des argumentaires, des articles de critiques littéraires, etc., mais quand il s’est agi d’écrire une fiction, la langue arabe s’est imposée. C’est la langue de ma mère, ça vient de loin.

 

 

Lire aussi la critique du livre de Jabbour Douaihy : Saint Georges regardait ailleurs

 

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Saint Georges regardait ailleurs, de Jabbour Douaihy, éditions Actes Sud.

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