L’accord conclu à Genève entre Russes et Américains a redonné la priorité à la voie diplomatique sur l’option militaire mais il ne règle pas le problème syrien.
La guerre civile continue, pour le plus grand malheur de la population et avec des armes conventionnelles, comme l'indique Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l'Institut de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient : « Pendant les négociations à Genève, Bachar el-Assad en a profité pour bombarder avec son aviation telle ou telle ville, et son aviation a largué des armes conventionnelles. Il n’y a pas très longtemps, des bombes incendiaires russes ont été larguées sur des villages. Donc c’est très grave de ne voir la crise syrienne qu’avec le prisme très réducteur des armes chimiques. »
Les combats se sont poursuivis ces derniers jours avec une intensification des bombardements à Damas. L'aviation et l'artillerie syriennes ont bombardé tout le week-end des faubourgs de la capitale tenus par la rébellion.
« Il y a des renforts de l’armée régulière, estime Fahd al Masri, porte-parole en Europe de l'ASL, l’Armée syrienne libre. Elle essaie d’encercler les combattants de l’Armée syrienne dans les provinces de Damas avec l’aide et le soutien du Hezbollah et de l’Iran, surtout dans l’est [de la capitale], et dans des villes comme Deraya. L’Armée syrienne essaie d’avancer aussi sur le front du sud. Il y a des combats quotidiens dans certaines villes du Sud, surtout dans les villes proches de la Jordanie. »
Forte présence de jihadistes
Des combats auxquels prennent part de plus en plus de jihadites.
Selon une note d'un institut de défense britannique publiée hier par le Daily Telegraph, ces derniers forment près de la moitié des forces rebelles qui combattent le régime.
« Que la révolte soit islamiste n’étonne pas quand on a vu au départ qui a parrainé cette révolution, détaille Frédéric Pichon, chercheur et spécialiste de la Syrie, auteur de Géopolitique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Ce sont soit des fonds privés, soit des Etats du Golfe - l’Arabie saoudite ou le Qatar - et qui ont apporté une vision islamiste de la révolte contre Assad. Cela met au défi la communauté internationale de savoir ce qu’il y aura après Assad. »
Soutien à « l'opposition modérée »
Les Français, Britanniques et Américains ont convenus hier à Paris de « travailler dès maintenant à une solution politique en lien avec l'opposition » syrienne.
Les Occidentaux l'ont répété, il faut aider un peu plus ce qu'ils appellent « l'opposition modérée », c'est-à-dire non jihadiste. Selon le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, « si l’on veut à la fois changer le régime de Bachar el-Assad et ne pas tomber sous les foudres des terroristes, il faut soutenir l’opposition modérée. Ce sera aux Syriens de décider mais il est très important de voir qu’il n’y a pas ou bien Bachar el-Assad ou bien les terroristes, et que la solution politique passe par un accord entre des membres du régime et l’opposition modérée. »
Le bilan de la guerre en Syrie est effrayant : plus de 100 000 morts, plus de deux millions de réfugiés officiellement recensés, et des destructions massives. Le dernier rapport de la Commission d'enquête sur les violations des droits de l'homme en Syrie, mandaté par l'ONU, dénonce des « crimes contre l'humanité » commis par les forces gouvernementales, mais aussi des « crimes de guerre » perpétrés par l'opposition armée.
■ REACTION : Des médecins du monde entier tirent la sonnette d'alarme sur la situation sanitaire en Syrie
Au moment où la communauté internationale négocie pour obtenir la destruction de l'arsenal chimique de la Syrie et que sur le terrain, les combats se poursuivent, des médecins du monde entier publient une lettre ouverte pour exiger l'accès aux soins de la population syrienne. Près de 40% des hôpitaux du pays sont détruits, 13 000 médecins ont fui le pays et des régions entières sont privées de toute assistance médicale. Dans ce cri d'alerte qui paraît dans la revue scientifique The Lancet, les 55 signataires appellent toutes les parties au conflit à respecter la neutralité médicale. Parmi eux le Professeur Dominique Belpomme, cancérologue, demande la mise en place d'un corridor sanitaire et dénonce un crime contre l'humanité.