Moscou a bel et bien repris la main dans le jeu diplomatique entourant le conflit syrien. Le ministre syrien des Affaires étrangères a fait savoir que son pays avait donné « son accord » à la proposition russe de placer ses armes chimiques sous contrôle international. La perspective de frappes occidentales s'éloigne donc avec la proposition de la Russie. Selon l'agence russe Interfax, Walid al-Mouallem, a souligné que « l'objectif était de couper l'herbe sous le pied à une aggression américaine ».
Le scénario évolue vite
Le scénario évolue donc très vite ces dernières heures. Et les réactions en Europe et outre-Atlantique pleuvent, même si la prudence reste de mise. Barack Obama a qualifié l'initiative russe de percée potentiellement positive dans le conflit. Il s'adressera comme prévu aux Américains ce soir. En tout cas, la donne a changé depuis hier. Pour preuve le vote du Sénat américain sur les frappes militaires en Syrie qui était prévu pour mercredi, a été reporté.
La France accepte de « prendre la perche »
« Il faut prendre la perche qui est tendue, mais il ne faut pas tomber dans un piège », une petite phrase signée Laurent Fabius, lors d'une conférence de presse ce mardi 10 septembre. Le ministre des affaires étrangères a donc pris la perche tendue hier par la Russie. Il a annoncé que la France allait de son côté présenter un projet de résolution contraignant devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Ce projet de résolution prévoit le contrôle et le démantèlement des armes chimiques syriennes et autorise aussi un recours en cas de manquement aux obligations. Pour Paris, la proposition de la Russie prouve que la pression internationale a fonctionné. Même si, précise le Quai d'Orsay, « toutes les options restent sur la table ».
L'opposition syrienne dénonce une manoeuvre de diversion. Les monarchies pétrolières du Golfe réclament toujours une action internationale « dissuasive » contre le régime syrien pour sa responsabilité dans l'attaque chimique du 21 août.
John Kerry continue de défendre un vote autorisant une intervention militaire
Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, qui était ce mardi ce matin devant la commission de la Défense du Sénat américain, a donné un nouvel éclairage au débat. Il a confirmé les propos de Barak Obama, qui avait estimé la proposition « intéressante », mais, insiste John Kerry, « cela ne doit pas différer un vote autorisant le Président à intervenir en Syrie ».
Avec notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio
John Kerry a été froidement accueilli par le Président de la commission de défense du Sénat. Ce dernier a introduit le débat, évoquant les problèmes budgétaires auxquels font face les Etats-Unis qui n’ont « pas les moyens de se lancer dans une opération militaire ». Argument balayé par John Kerry, qui a recentré la discussion sur la menace représentée par les armes détenues par Damas et le risque de voir cet arsenal de destruction massive devenir « des armes conventionnelles ».
« Ne vous trompez pas sur les raisons qui concrétisent cette proposition (de mise sous séquestre des armes chimiques syriennes, ndlr). Et pourquoi ce sont les Russes qui ont contacté les Syriens, et pourquoi les Syriens sont finalement intéressés », a-t-il déclaré devant les sénateurs.
« C’est la réelle menace de l’usage de la force qui est sur la table ces dernières semaines, qui, pour la première fois, a conduit ce régime, à reconnaitre qu’il possède des armes chimiques. Et c’est cette menace de l’usage de la force et notre détermination à rendre Assad responsable de ses actes, qui a motivé les autres pays à envisager une action internationale réelle et crédible qui pourrait avoir un impact », a-t-il assuré.
« Cette proposition doit être réelle »
Mais l’initiative russe « ne doit pas être un moyen de gagner du temps, cela ne peut pas être un moyen d’esquiver la menace », a encore prévenu le secrétaire d’Etat américain. « Cette proposition doit être réelle, vérifiable, tangible. Et il est extrêmement difficile, je souhaite que tous le comprennent, de remplir ces conditions. »
John Kerry a ensuite longuement expliqué aux sénateurs que la proposition russe permettra, peut-être, d’éviter une intervention armée en Syrie, mais qu’ils ne pourront pas refuser de faire face à leurs responsabilités : les sénateurs devront voter en faveur d’une intervention, seul moyen, selon l’administration américaine, de réellement concrétiser la destruction des armes chimiques détenues par Damas.