Ils ne sont pas nombreux, mais ils existent. C’est un mouvement assez disparate et peu structuré. Parmi eux, il y a notamment une partie des jeunes du Mouvement du 6-Avril, l’un des fers de lance de la révolution. Ils ont un point commun : depuis 2011, ils ont été de tous les combats. Ils ont contribué à la chute de Hosni Moubarak, se sont opposés à la répression de l’armée qui a suivi...
Puis, le plus souvent à contre-cœur, ils ont voté Mohamed Morsi au deuxième tour de l’élection présidentielle, pour faire barrage à Ahmed Chafik, considéré comme le candidat de l’ancien régime. Mais lorsqu’ils ont estimé que les Frères musulmans les avaient utilisés pour prendre le pouvoir, ils ont réclamé leur départ.
Certains ont même contribué au succès de Tamarrod (« rébellion »), le mouvement à l'origine des immenses manifestations qui ont conduit à la destitution du président Morsi le 3 juillet dernier.
Solution graduée
A chaque fois, ils ont cru faire un petit pas de plus vers la démocratie. Et aujourd’hui, ils ont le sentiment d'un immense retour en arrière. Ils estiment que l'armée est en train de confisquer leur révolution, avec le soutien d'une grande partie de la population.
Pour eux, le déclic a eu lieu au moment de la manifestation du 26 juillet dernier, lorsque le général al-Sissi a appelé les Egyptiens à descendre dans la rue massivement pour lui manifester son soutien et lui donner mandat « d'en finir avec la violence » et les « terroristes » ainsi qu’ils désignent désormais les Frères musulmans.
Ces « ni-ni », qui ne soutiennent ni l’armée, ni les Frères musulmans, ont alors appelé les gens à rester chez eux et dénoncé le risque d’une dérive sécuritaire. Mais leur appel a été peu suivi. Et c'est finalement la tendance sécuritaire qui s'est imposée, au détriment d’une solution graduée et négociée.
Manque de patriotisme
Selon des observateurs, il y a peu de chances que leur mobilisation amène un changement. Les nouveaux affrontements de ce vendredi 16 août n’ont pas semblé entamer le soutien du peuple égyptien pour son armée, considérée par beaucoup comme la colonne vertébrale du pays.
Jeudi, le mouvement Tamarrod a même appelé les Egyptiens à former des « comités populaires » pour défendre le pays contre la confrérie, assimilée à un groupe de terroristes. Toutes les tentatives de médiation ont échoué. Les messages de condamnation de la communauté internationale semblent avoir peu d’effets. Nous sommes dans un véritable bras de fer.
Dans ce climat, tout discours discordant, même pour appeler à la fin des violences, est considéré comme suspect. Beaucoup hésitent même à s’exprimer publiquement de peur d’être taxés de trahison ou de manque de patriotisme.
Mohamed El-Baredei critiqué de toute part
C'est lui qui avait facilité les rencontres entre les médiateurs étrangers - notamment européens - et les forces politiques égyptiennes ces dernières semaines. Mais on voit mal comment Mohamed el-Baradei pourrait incarner une troisième voie pour l'instant. Au moment de sa démission du poste de vice-président mercredi, il a écrit une lettre au président par intérim, affirmant qu’une issue pacifique était possible.
Mais il est très critiqué dans les deux camps. Tamarod lui reproche d'avoir affaibli les autorités et agi en traître en quittant le gouvernement au plus mauvais moment. Quant aux Frères musulmans, cela faisait longtemps qu’ils n’avaient plus confiance en lui. Plusieurs observateurs prédisent qu’il devrait rester en retrait au moins pour quelques temps.