Lorsque le secrétaire d’Etat américain John Kerry a obtenu des Israéliens et des Palestiniens qu’ils retournent à la table des négociations après trois ans de blocage, l’annonce a été suivie d’une autre : l’Etat hébreu va libérer 104 détenus palestiniens et arabes israéliens. Dans leur immense majorité, il s’agit de prisonniers ayant été arrêtés et condamnés avant les accords d’Oslo en 1993.
Ces libérations son évidemment très attendues par les familles palestiniennes concernées, comme celle de Yacine Abou Khdeir, à Jérusalem-Est. Yacine Abou Khdeir a été condamné à 28 ans de prison en 1987 pour avoir poignardé et grièvement blessé un soldat israélien à Jérusalem. « C’était la première Intifada en 1987. Il n’y avait pas d’accord de paix, on n’avait pas d’autre choix pour lutter contre l’occupation », explique Hassan, le cousin de Yacine, qui a passé 9 ans derrière les barreaux pour sa participation au même attentat. Chez les Abou Khdeir, près de la petite mosquée du quartier de Shouafat, on se prépare à la libération de Yacine, qui de toute façon serait sorti de prison dans moins de trois ans. Mais on reste prudents : « Nous avons de l’expérience avec les Israéliens, ils ne respectent pas leurs promesses, assure Hassan, le cousin, alors nous attendons. » Yacine ne fera pas partie du premier groupe de 26 hommes libérés ce mardi.
Familles endeuillées
Côté israélien, l’annonce de ces libérations a bouleversé certaines familles endeuillées qui ne veulent pas voir sortir de prison les hommes qui ont tué leurs proches. Appuyées par l’association Almagor, plusieurs familles de victimes ont saisi la Cour suprême pour tenter de bloquer les libérations décidées par le gouvernement. C’est le cas d’Avi Bromberg, un trentenaire qui porte le prénom et le nom de son oncle qu’il n’a jamais connu, poignardé à mort en 1983 par des hommes qui l’avaient pris en auto-stop près de chez lui à Zichron Yaacov, sur la côte nord d’Israël.
« Nous sommes opposés de toute notre force à cette libération et je vous dis aujourd'hui que ces assassins resteront en prison et ne verront pas la lumière du jour ni pour des négociations, ni pour une quelconque raison politique », explique Avi Bromberg. Les meurtriers de son oncle étaient des Arabes israéliens et pour le jeune homme, il est inacceptable que la justice libère des citoyens de l’Etat hébreu, au nom de la relance du processus de paix avec les Palestiniens.
Des critiques au sein du Likoud…
C’est dans ce contexte que des voix s’élèvent pour critiquer la reprise des négociations. En Israël, on en trouve au sein de la coalition, et même au Likoud, le parti du Premier ministre Benyamin Netanyahu. De leur côté, les colons ne veulent pas entendre parler d’un accord de paix ni d’un Etat palestinien. « Si un Etat palestinien est créé en Judée-Samarie [le nom biblique de la Cisjordanie, ndlr], nous verrons une répétition de ce qui s’est produit à Gaza, lance Dany Dayan de Yesha, principale organisation de colons israéliens. Les islamistes fondamentalistes du Hamas prendront le pouvoir en quelques jours. L’accord ne tiendra pas. Israël sera en situation beaucoup plus difficile pour se défendre… mais devra le faire. »
…et du Hamas
Côté palestinien, la relance des négociations est critiquée au sein même des factions de l’OLP. Et surtout par le Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007. « Les négociations avec Israël ne peuvent pas mener à un accord, assène Ghazi Hammad, vice-ministre des Affaires étrangères du gouvernement Hamas de Gaza, parce qu’Israël utilise les négociations pour faire diversion et continuer sa politique agressive envers les Palestiniens, particulièrement en ce qui concerne la colonisation. »
Et le cadre du Hamas de citer les récentes annonces de constructions dans les colonies, preuves selon lui de la mauvaise foi des Israéliens. « C’est pour cela que nous demandons à l’Autorité palestinienne de mettre fin à ses discussions avec Israël », explique Ghazi Hammad, pour qui il faut « revenir à la priorité n°1, c'est-à-dire la réconciliation et la discussion entre Palestiniens ».