RFI : Pourquoi la branche d’al-Qaïda en Irak a perpétré les attentats qui ont fait ce week-end des dizaines de morts, en pleine fête de l’Aïd, à Bagdad et dans d’autres villes du pays ?
Hasni Abidi : La branche d’al-Qaïda en Irak est la branche la plus meurtrière et c’est la branche qui a le plus de légitimité historique. Elle est née dans le sillage de l’intervention américaine en Irak. Elle se nourrit de la crise politique qui secoue le pays depuis la guerre contre le pays, et surtout depuis l’arrivée d’un gouvernement à majorité chiite. Cette organisation a pris de l’ampleur. Elle a pris une vitesse extraordinaire depuis ce coup de force, où des dizaines de militants d’al-Qaïda ont envahi la prison la plus gardée, proche de l’aéroport, la prison Abou Ghraib, pour libérer des centaines d’hommes. Il y avait plusieurs chefs d’al-Qaïda qui étaient en prison, mais aussi des anciens du régime de Saddam Hussein. Le dernier élément, c’est bien entendu la guerre en Syrie et la frontière ouverte entre les deux pays. Ce mouvement entre des éléments d’al-Qaïda, mouvement jihadiste, a aussi donné des ailes à cette mouvance et aujourd’hui elle opère avec une liberté, avec une facilité, surprenantes et déroutantes.
Le chef d’al-Qaïda dans la péninsule arabique s’appelle Nasser Al-Whaychi. C’est un ancien aide de camp d’Oussama ben Laden. Il dirige cette branche d’al-Qaïda depuis 2009. Que sait-on précisément de cet homme ?
Il y a deux organisations. Celle de la péninsule arabique est dirigée par le Yéménite Nasser Al-Whaychi. C’est le « secrétaire particulier » d’Oussama ben Laden. Mais lui, il a son périmètre : les pays du Golfe, c’est-à-dire la péninsule arabique, avec le centre au Yémen, le pays le plus faible, le pays qui a le plus de frontières avec l’Arabie Saoudite. C’est probablement l’organisation la plus active.
En revanche, en Irak, il y en a une autre branche, qui s’appelle al-Qaïda pour un Etat islamique en Irak et en Syrie, dont le dirigeant s’appelle Abou Bakr al-Baghdadi. Cela veut dire « qui vient de Bagdad ». Lui, il a prêté allégeance, récemment, à Ayman al-Zawahiri. Ils ont même fait une fusion. Ils ont fusionné entre la branche syrienne et la branche irakienne. Evidement, la nouvelle organisation qui regroupe les deux pays voulait signer ces opérations et montrer qu’elle est la plus importante, qu’elle est plus sanguinaire que celle de la péninsule arabique. Ainsi, on voit bien que le mois de juillet, le mois du ramadan, a été le plus meurtrier depuis 2005.
C’est à la suite de l’interception de communications qu’Al-Whaychi a eue avec le chef al-Qaïda que les Etats-Unis, suivis par d’autres puissances, ont fermé au début de mois d'août leurs ambassades au Moyen-Orient. L’homme est puissant. Il fait peur, manifestement...
Dans son communiqué, il promet la libération des hommes d’al-Qaïda. Ce qui signifie une chose importante : que l’organisation est à court d’hommes. C’est pourquoi il y a cette volonté de Whaychi, à la fois de montrer que c’est lui le patron opérationnel sur le terrain, probablement avec celui de l’Irak, et aussi qu’il est capable, bien sûr, de défier le gouvernement irakien. Or l’Irak compte plus d’un million d’hommes armés - entre armée, police et garde nationale. Il faut l’avouer, depuis le retrait de plusieurs centaines, voire des milliers, de soldats américains, l’Irak a de la peine, surtout sur le plan des renseignements, sur le plan de l'anticipation des opérations aériennes, à assurer la sécurité et la stabilité. Le chef yéménite Nasser Al-Whaychi et al-Baghdadi de l’Irak, montrent aujourd’hui qu’ils sont deux personnes très dangereuses. On est un peu revenu dans les années noires du terrorisme dans les deux pays.