Nouveau gouvernement en Egypte: soulagement des milieux d’affaires, colère des islamistes

Il avait fallu près d'une semaine pour trouver un nouveau Premier ministre, et encore autant de temps, après, pour former un exécutif. Mais hier, mardi 16 juillet, un nouveau gouvernement, comptant une trentaine de membres, a prêté serment en Egypte. Si les jeunes et les milieux d’affaires affichent leur satisfaction, les Frères musulmans ont aussitôt critiqué un « faux cabinet ». Le nouvel exécutif doit accueillir, ce mercredi, Catherine Asthon, la représentante de la diplomatie européenne.

Avec nos correspondants au Caire, Alexandre Buccianti et Perrine Mouterde

Les milieux d’affaires égyptiens ont bien accueilli le nouveau gouvernement. Ils apprécient l’équipe économique expérimentée, mais ils apprécient encore plus l’exclusion des Frères musulmans. Des Frères qui menaient une guerre larvée contre les hommes d’affaires laïcs et chrétiens contre lesquels on lâchait le fisc.

C’est notamment le cas du milliardaire des télécoms Naguib Sawires. Ce dernier a déclaré qu’il investira massivement en Egypte. Il est aussi évident que les investisseurs dans le secteur touristique sont optimistes. Les islamistes au gouvernement avaient plombé, à coup de déclaration contre les bikinis et les idoles païennes, une industrie déjà affectée par l’insécurité.

Les jeunes ont aussi bien accueilli le gouvernement malgré la moyenne d’âge élevée. Certains militants ont été nommés assistants de ministres, le temps d’acquérir une expérience dans l’administration.

Mahmoud Badr, le leader du mouvement Tamarod à l’origine de l’éviction de Mohamed Morsi, est satisfait de ce cabinet. « Depuis le début, explique-t-il, nous avons dit de façon très claire que le seul critère que l’on prendrait en compte pour le choix des ministres était la compétence. C’est le cas par exemple avec le ministre du Tourisme, Hicham Zazou. Il a été reconduit dans ses fonctions, car tous les gens qui travaillent dans le secteur l’ont recommandé et ont salué ce qu’il avait accompli. Il nous fallait un gouvernement de technocrates capable de gérer le pays pendant cette période de transition ».

Les femmes et les chrétiens sont eux aussi satisfaits. Trois femmes et trois chrétiens dans le cabinet gouvernemental, c’est du jamais vu.

« Faux président, faux cabinet »

Pour les Frères musulmans en revanche, il était inenvisageable de participer à ce gouvernement, qu’ils refusent même de reconnaître. « C’est un faux président, c’est un faux cabinet, une fausse Constitution, assure Saad el-Husseini, un responsable du Parti liberté et justice. Nous refusons totalement ce gouvernement et tout ce qui découle du coup d’Etat militaire. Il n’y a de président que Mohamed Morsi, il n’y a de Constitution que celle qui a été acceptée par le peuple, et il n’y a de gouvernement que celui d’Hisham Kandil ».

Les Frères musulmans ont déjà appelé à un rassemblement, ce mercredi midi, devant le siège du gouvernement. Un porte-parole a aussi évoqué, ces derniers jours, l’idée d’un appel à la désobéissance civile. Les supporters du président déchu pourraient être appelés à ne plus aller travailler, ou à ne plus payer leurs factures. Ils pourraient jouer l’obstruction.

Six priorités pour le gouvernement

Les tâches qui attendent ce nouveau gouvernement sont nombreuses, mais cette semaine, Ziad Bahaa Eldin, qui est devenu vice-Premier ministre, a expliqué que ce cabinet allait se concentrer sur six dossiers prioritaires. D’abord rétablir la sécurité dans les rues, puis remettre en marche les usines et les entreprises où le travail a été interrompu, réguler les finances publiques.

Le gouvernement veut aussi très rapidement être en mesure de fournir les services de base aux familles les plus pauvres, sans augmenter le budget de l’Etat. Les pénuries d’essence, d’électricité, la hausse du prix du pain avaient fait monter le mécontentement à l’égard du pouvoir précédent.

Ce cabinet doit enfin relancer le processus politique et organiser des élections transparentes. Il s’appuiera sur la feuille de route et le calendrier qui ont déjà été annoncés. La première étape doit être la rédaction, puis d’adoption d’une nouvelle Constitution.


FRANCE 24 vous propose une édition spéciale sur la situation en Egypte en direct du Caire ce mercredi 17 juillet à 19h10 (heure de Paris)

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