La réponse du régime syrien aux accusations portées contre lui ne s’est pas fait attendre. « La Maison Blanche a fait publier un communiqué truffé de mensonges sur le recours aux armes chimiques en Syrie, en se basant sur des informations fabriquées à travers lesquelles elle a tenté de faire assumer au gouvernement syrien la responsabilité d'un tel usage », a déclaré un responsable syrien des Affaires étrangères repris par l'agence officielle syrienne Sana.
Les experts américains, britanniques et français n’ont pas convaincu Moscou non plus. Selon le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch, les diplomates de son pays n’ont trouvé, dans les informations qui leur ont été présentées, aucun fait de nature à conforter la thèse de l’utilisation d’armes chimiques par les forces loyales à Bachar el-Assad. Comme Damas, Moscou pointe au contraire l'usage de gaz sarin par les rebelles.
Quant au conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov, il a rappelé qu’en 2003, le secrétaire d’Etat américain de l’époque, Colin Powell, avait lancé des accusations sur l'existence d'armes de destruction massives en Irak, et qu'elles avaient ensuite été battues en brèche. Alexeï Pouchkov, chef de la commission des Affaires étrangères à la Douma, va plus loin : « Obama suit la même voie que George Bush », écrit-il sur son compte Twitter.
Pas de livraison de S-300 à l'ordre du jour
Selon Alexeï Pouchkov, « les informations sur l'usage par Assad d'armes chimiques sont des faux du même ordre que les mensonges concernant les armes de destruction massive de Saddam Hussein ». Rien de moins. Mais l'heure n'est toutefois pas à la surenchère : « Nous ne sommes pas en compétition sur la Syrie », précise quant à lui le conseiller diplomatique Iouri Ouchakov.
Tout en se disant inquiète de la volonté des Etat-Unis de fournir une assistance militaire directe à l’opposition syrienne, la Russie affirme toujours soutenir l’idée d’une conférence internationale. Quant à la livraison des missiles S-300 promis à Damas, le Kremlin affirme qu’elle n’est pas à l’ordre du jour. Pour la Suède, la promesse américaine risque de provoquer une « course à l'armement », qui pourrait saper « les conditions nécessaires à un processus politique », dixit le ministre des Affaires étrangères, Carl Bildt cité par l'agence TT.
Reste donc une grande question à laquelle la Maison Blanche n'a absolument pas répondu : une fois franchie la « ligne rouge », jusqu'où ira le soutien militaire accordé par Washington à la rébellion syrienne, alors que la Russie ne bougera manifestement pas ?
Une zone d'exclusion aérienne sans l'aval de l'ONU ?
D'après le New York Times, des livraisons d'armes légères et de munitions seraient envisagées, de même que l'envoi d'armes antichars. En revanche, pas question de défense anti-aérienne. Selon le Wall Street Journal, l'armée américaine étudierait plutôt la faisabilité d'une petite zone d'exclusion aérienne le long de la frontière jordanienne, pour couvrir les camps d'entraînement des combattants de l'opposition et la livraison d'armes anti-chars... De quoi soulager les rebelles et les réfugiés syriens dans le sud du pays.
Problème : cela doit en principe se faire avec l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies. La chancelière allemande Angela Merkel demande qu'il se réunisse d'urgence. Or Moscou et Pékin se sont, jusqu’ici, opposés à toute résolution coercitive concernant la Syrie, et la position de Moscou laisse peu de doute sur l'issue d'un éventuel futur vote. Paris, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères Philippe Lalliot, juge d'ailleurs « peu probable qu'une telle mesure recueille l'agrément du Conseil de sécurité ». Mais selon le Wall Street Journal, les Américains pourraient en fait contourner le Conseil en organisant une zone d’exclusion via des avions n’entrant pas dans l’espace aérien syrien.
Reste une dernière possibilité : les Etats-Unis pourraient se contenter du minimum, à savoir la livraison de matériel non létal - ce qu'ils font déjà depuis plusieurs mois. Pour Washington, il s'agirait alors de laisser à ses alliés européens le soin de s'engager plus directement. De fait, la France et le Royaume-Uni affirment vouloir aller plus loin dans l'aide militaire aux rebelles syriens. Mais pour cela, ils ont besoin du soutien politique des Etats-Unis, et c'est peut-être ce signal qui leur a été envoyé, ce jeudi soir, par la Maison Blanche.