De notre correspondant à Jérusalem,
Chaque jour ou presque, des visiteurs non-musulmans empruntent la passerelle de bois qui permet d’accéder à l’Esplanade des Mosquées ou Mont du Temple. Parmi eux, des juifs religieux qui -selon le statu quo en vigueur- n’ont pas le droit de prier à cet endroit. C’est ce que dénonce de plus en plus ouvertement une partie de la droite nationaliste-religieuse israélienne.
« Le Mont du Temple est le lieu le plus saint pour la nation juive », explique le député Moshe Feiglin, qui incarne l’aile la plus à droite du Likoud, le plus important parti de la Knesset. « Les juifs veulent prier là où le Temple fut construit. Dire que les juifs n’ont pas le droit de prier à cet endroit, c’est parfaitement ridicule », assène le parlementaire, qui s’est régulièrement rendu sur le site en question ces dernières années.
Le Grand Rabbinat israélien s’oppose pourtant aux visites de fidèles juifs sur le Mont du Temple, pour des raisons religieuses : il ne faudrait pas risquer de fouler le « Saint des Saints », la partie la plus sacrée du Temple, où seul le Grand prêtre était autorisé à pénétrer, avant la destruction de l’édifice. Un avertissement qui ne dissuade pas les nationalistes-religieux juifs, dont les visites en groupe sur l’Esplanade provoquent régulièrement des frictions avec les fidèles musulmans.
Reconstruire le Temple
La semaine dernière, des chaises auraient été jetées par des musulmans sur un groupe de juifs. Le lendemain de l’incident, la police israélienne a arrêté le Mufti de Jérusalem et l’a interrogé pendant plusieurs heures, ce qui a provoqué des réactions de colère dans le monde arabo-musulman. Le Parlement jordanien a ainsi immédiatement voté l’expulsion de l’ambassadeur israélien en Jordanie.
Au sein de la mouvance sioniste-religieuse, certains vont au-delà du désir de prier sur le site sacré, et rêvent à voix haute de construire un troisième Temple, dont la silhouette apparaît d’ailleurs sur de nombreuses affiches et maquettes vendues dans les boutiques du quartier juif de la Vieille ville de Jérusalem.
Barbe blanche comme neige, Yehuda Etzion est une figure de la droite radicale israélienne. Il a connu la prison dans les années 1980 pour un complot visant à dynamiter le Dôme du Rocher et la Mosquée al-Aqsa, les deux principaux édifices de l’Esplanade. « Croire qu'il faut construire le Temple à cet emplacement n'est pas juste mon vœu personnel, affirme Yehuda Etsion, c'est la foi de tout juif croyant qui prie trois fois par jour. Nous prions pour la reconstruction du temple et nous prenons ces prières au sérieux. Ce qu'il se passe depuis 1 300 ans, c'est que le lieu nous a été volé. »
Vache rousse
L’Institut du Temple, installé dans la Vieille ville, prépare ouvertement la construction de l’édifice. Les plans du bâtiment sont prêts, de même que plusieurs objets sacrés dont un immense chandelier à sept branches en or ainsi que les habits des prêtres et même les trompettes. Comme le rabbin Jean-Marc Rosenfeld de l’Institut du Temple, une partie du monde juif religieux estime que le processus qui conduira à la construction du troisième Temple est en marche.
« Nous cherchons la vache rousse dans le monde entier », explique Jean-Marc Rosenfeld, en référence à l’animal dont les cendres devront servir à purifier les prêtres. « L’animal doit être entièrement roux, pas plus de trois poils d’une autre couleur, poursuit le religieux juif. Souvent, nous pensons avoir trouvé la vache et au bout d’un mois, des poils blancs apparaissent et c’est raté. Lorsque nous aurons une vraie vache rousse, alors le Temple sera très proche. »
Colère musulmane
Des préparatifs qui irritent au plus haut point les responsables du Waqf, cet organisme musulman parrainé par la Jordanie qui gère l’Esplanade des Mosquées, au terme du statu quo fragile en vigueur depuis la conquête de Jérusalem-Est et de ses lieux saints par Israël en 1967. « Comme vous le savez, la Mosquée al-Aqsa est sacrée pour un milliard de musulmans dans le monde entier », rappelle le Sheikh Azzam Khatib, qui dirige le Waqf.
Juste avant de nous recevoir, il a été appelé en urgence sur l’Esplanade des Mosquées, suite à un nouvel épisode de tension avec des visiteurs juifs. Des visites que Sheikh Azzam Khatib qualifie de « provocations ». « Cela contribue à aggraver les conflits et à augmenter l'extrémisme partout dans le monde, assure le responsable musulman. Ce sont les juifs extrémistes qui jettent de l'huile sur le feu, et c'est inacceptable pour nous. »
Situation à risque. Personne n’a oublié qu’en septembre 2000, la visite du Premier ministre israélien Ariel Sharon à l’Esplanade des Mosquées ou Mont du Temple avait été l’un des déclencheurs de la seconde Intifada.