Scrutin à haut risque en Irak, en pleine vague d’attentats meurtriers

Des élections provinciales doivent se tenir ce samedi 20 avril en Irak, malgré une série d’attentats qui ont fait 300 morts depuis le début de l’année. Le scrutin est organisé dans douze des dix-huit provinces du pays. Plus de treize millions d’Irakiens sont appelés aux urnes.

Il s’agit sans doute de l’attentat le plus spectaculaire depuis le début de l’année en Irak. Le jeudi 18 avril, vers 19h00 (heure locale), le « café Dubaï » a été frappé par une explosion d’une violence inouïe. L’attentat, non revendiqué, a fait 27 morts et des dizaines de blessés, dans l’une des artères les plus animées du quartier d’Amriya, situé dans l’ouest de la capitale irakienne.

Il témoigne de la recrudescence des actes terroristes, en Irak, depuis le début de l’année. Avec plus 300 morts et des milliers de blessés, on est encore loin des bilans terribles des années 2006 à 2008, lorsque les communautés sunnites et chiites se livraient une guerre sans merci. Reste que le pays ne parvient pas à en finir avec une violence endémique, qui s’est brutalement aggravée à mesure que le scrutin approchait.

Le gouvernement en quête d’unification

Le premier enjeu de ce scrutin sera donc la sécurité, pour les électeurs qui souhaiteront voter. Mais il y aura également un enjeu politique majeur : la désignation des gouverneurs par les assemblées provinciales issues de ce vote. « En Irak, les gouverneurs de province jouissent d’un statut et de prérogatives très importantes, aux dépens du pouvoir central », explique Pierre-Jean Luizard, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l’Irak. « Le système fédéraliste issu de la Constitution de 2005 a permis l’établissement de pouvoirs parallèles, et tout l’enjeu pour Nouri al-Maliki, le Premier ministre irakien, sera d’engager le pays dans une voie d’unification et de centralisation. Faute de quoi, on risque d’assister au triomphe des forces régionales et clientélistes. »

Scénario du pire

Si ces élections régionales s’annoncent particulièrement délicates pour le Premier ministre en place, c’est que Nouri al-Maliki se trouve aujourd’hui à la fois isolé et fragilisé. Ses anciens alliés sunnites et kurdes lui ont, pour la plupart, tourné le dos, l’accusant d’abus de pouvoir et d’autoritarisme.

En outre, le chef du gouvernement irakien est confronté depuis décembre 2012 à un mouvement de contestation massif dans les régions à majorité sunnite. Dans deux provinces, celles de Ninive et d’Anbar, l’instabilité est telle que le scrutin a dû être reporté, suscitant la fureur des partis et des mouvements sunnites.

Le scrutin qui va se dérouler ce samedi aura donc un double enjeu. Il permettra de jauger le soutien dont dispose encore Nouri al-Maliki au sein de la population irakienne, en attendant les élections générales qui sont censées être organisées en 2014. Et il permettra de mesurer la capacité de l’Etat irakien, de la police et de l’armée, à éviter un bain de sang qui ferait plonger le pays dans un nouveau cycle de violences.

« Dans le meilleur des cas, l’instabilité risque de perdurer, avec un terrorisme endémique. Mais on peut craindre, dans le pire des scénarios, un retour des affrontements à une échelle beaucoup plus grande, ce qui remettrait en cause la participation des sunnites aux institutions et pourrait préfigurer l’effondrement du système en place », prévient Pierre-Jean Luizard.

Partager :