La communauté internationale au chevet du Yémen

Le Yémen est au centre d'une conférence internationale ce jeudi 7 mars 2013 à Londres. Une quarantaine de pays participants tenteront d'aider ce pays de la péninsule arabique à mener sa transition politique. Un an après le départ du président Saleh, chassé par des jeunes révolutionnaires, l'instabilité demeure.

C’est la cinquième réunion du genre, intitulée « Les Amis du Yémen ». L’objectif, selon la Grande-Bretagne qui accueille ce sommet, est triple : progresser sur le dialogue national qui doit s’ouvrir le 18 mars prochain dans le pays, préparer les élections présidentielle et législatives de 2014, et inscrire dans les faits les 7,8 millards de dollars de dons promis en septembre 2012 par les Amis du Yémen.

Le Yémen, qui a vécu en 2011 une révolution comme de nombreux pays arabes, mène une difficile transition politique. Le président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a succédé à Ali Abdallah Saleh, contraint au départ après 33 ans de règne, a de nombreux défis à surmonter.

L’ex-régime est encore très présent, notamment dans les rangs de l’armée. La situation économique est déplorable et le gouvernement est très contesté, que ce soit par des mouvements locaux ou par des groupes armés liés à al-Qaïda.

La présence d’al-Qaïda au Yémen

Si la communauté internationale s’intéresse tant au Yémen, c’est que ce pays est stratégique. Le détroit de Bab el-Mandeb, au Sud, mène au canal de Suez, lieu de trafic important. Et la présence du réseau terroriste al-Qaïda inquiète les pays occidentaux.

« Le Yémen est confronté depuis 2009 à al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), nouveau mouvement issu de l’union entre des combattants yéménites et saoudiens, explique Franck Mermier, directeur de recherche au CNRS, même si le mouvement existait bien avant, sous une autre forme. »

En 2011, à la faveur de la révolution yéménite et de l’affaiblissement du pouvoir central, al-Qaïda s’est emparé d’une partie d’une province du sud du pays. Les autorités yéménites ont repris le dessus grâce à l’appui des Américains et de leurs drones.

Mais les attentats continuent : attaques contre les forces de l’ordre, contre des oléoducs, enlèvements d’étrangers. « Al-Qaïda au Yémen s’en prend surtout aux forces de l’ordre, et pas à la population civile yéménite », note Laurent Bonnefoy, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (CERI).

La présence et la force de frappe d’Aqpa sont par ailleurs difficiles à évaluer. Selon Marine Poirier, enseignante à Sciences-Po Aix, elles sont peut-être exagérées par les autorités yéménites. « La lutte anti-terroriste permet de cristalliser l’attention sur le pays et de drainer des dons importants », analyse-t-elle.

Des mouvements de contestation au Nord et au Sud

Le Yémen est par ailleurs agité par des mouvements de contestation locaux. Au Nord, les rebelles zaïdites, des chiites, mènent des actions depuis 2004 contre les forces de l’ordre, estimant être marginalisés sur le plan politique, social et religieux.

Au Sud, des mouvements autonomistes ont émergé depuis 2007. La frange la plus radicale réclame l’indépendance dans ce pays, qui était jusqu’en 1990 séparé en deux : Yémen-Nord et Yémen-Sud. Des manifestations ont eu lieu récemment, réprimées dans la violence par les forces de l’ordre.

Un dialogue national doit s’ouvrir le 18 mars prochain pour tenter de régler ces questions mais une partie des leaders des mouvements sudistes ont refusé d’y participer. « Soit on s’oriente vers la guerre civile, soit on règle le problème en proposant une forme de fédéralisme », résume Franck Mermier.

Que reste-t-il de la révolution de 2011 ?

Les mouvements de contestation locaux ont rejoint, un moment, les révolutionnaires de 2011. Ces derniers ont réussi à chasser du pouvoir le président Ali Abdallah Saleh, qui a régné durant 33 ans sur le pays. Un départ toutefois négocié, par l’intermédiaire des pays du Golfe, et à l’issue duquel il a pu obtenir une immunité judiciaire.

« Les révolutionnaires ont parfois l’impression qu’on leur a confisqué la révolution, affirme Franck Mermier, car les partis traditionnels ont toujours la mainmise sur le pouvoir. Mais la dynamique révolutionnaire existe et va sans doute conduire à (…) l’émergence de nouvelles forces politiques. »

Des élections présidentielle et législatives sont prévues en février 2014, une nouvelle Constitution devrait aussi voir le jour.

« On est surpris par le fait que le nouveau pouvoir et les figures de l’ancien régime jouent le jeu de la réforme, renchérit Laurent Bonnefoy. Les choses avancent mieux que l’on ne pouvait imaginer (…) et de façon progressive. Il n’y a pas par exemple de processus de purification dans les administrations. »

Une situation économique très difficile

Reste la situation économique, très difficile. Le Yémen est l'un des pays le plus pauvre de la région. C'est la conséquence des conflits qui l'agitent mais aussi de la mauvaise gestion des ressources pétrolières et gazières, par le pouvoir.

Du coup, la population souffre de nombreux problèmes. « Les coupures d’électricité, de gaz, les pénuries d’eau s’ajoutent au chômage, explique Marine Poirier. Entre 40 et 50% des jeunes sont sans emploi, sans compter les populations déplacées par les conflits, qui vivent une situation humanitaire très difficile. »

Dans ce contexte, les Amis du Yémen promettent, à chaque réunion, des milliards de dollars d’aide. Mais très peu de sommes d’argent sont parvenues à la population, soit parce que les autorités yéménites ne les ont pas distribuées, soit parce que les pays donateurs ne les ont pas débloquées, estimant que le gouvernement de Sanaa ne remplissait pas les conditions nécessaires.

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