Elections législatives en Israël: pas de suspens pour «Bibi»

Au pouvoir depuis quatre ans, le Premier ministre israélien devrait conserver son poste au lendemain des élections du 22 janvier prochain. Qui est Benyamin Netanyahu ? Quel est son bilan sur des dossiers aussi brûlants que l’Iran ou le conflit israélo-palestinien ?

Dans son restaurant du quartier de Baka, à Jérusalem, Ange Haddad est ravi que l’on vienne lui demander son avis sur l’homme que les Israéliens surnomment « Bibi ». « Il parle bien et c’est un ancien militaire, explique le restaurateur. Ici on n’est pas en Suisse, il faut être fort ». Fort. En hébreu « hazak », mot-clé de la campagne électorale de Benyamin Netanyahu, avec ce slogan qui claque sur les affiches bleues : « Un Premier ministre fort. Un Israël fort ».

Tous les sondages prédisent la victoire de la liste conduite par le chef du gouvernement sortant qui a rassemblé sous une même bannière les candidats de son parti, le Likoud, et ceux de la formation ultra-nationaliste Israel Beitenou. En Israël, les électeurs désignent les députés (et pas directement le chef du gouvernement) et lorsque les sondeurs demandent aux Israéliens qui doit être le prochain Premier ministre, Benyamin Netanyahu domine largement ses adversaires. « Il n’y a pas d’alternative », reconnaît simplement Freddy Eytan, ancien diplomate israélien et auteur d’une biographie de « Bibi » (Le réveil du faucon aux éditions Alphée).

Commandos d’élite

L’homme qui attend sereinement les prochaines élections est né il y a 63 ans à Tel Aviv et il est le fils d’un intellectuel qui a longtemps travaillé aux côtés de Valdimir Zeev Jabotinsky, l’idéologue de la droite israélienne

Pour des raisons familiales puis professionnelles, Benyamin Netanyahu a passé toute une partie de sa vie aux Etats-Unis. Cela ne l’a pas empêché de servir dans l’une des plus prestigieuses unités de l’armée israélienne, Sayerret Matkal. Impossible d’évoquer le parcours et la personnalité de Benyamin Netanyahu sans parler de son frère aîné Yonathan, qui servit dans la même unité et perdit la vie en 1976 durant la spectaculaire opération menée par l’armée israélienne pour libérer les passagers d’un vol Air France détourné sur l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda.

Après l’armée, Benyamin Netanyahu devient diplomate, en poste à l’ambassade israélienne à Washington, puis aux Nations unies à New York. Puis c’est l’entrée en politique, la première élection à la Knesset en 1988 et l’ascension au sein du Likoud. 1996 : « Bibi » est Premier ministre mais sa coalition éclate, lorsque le président américain Bill Clinton lui impose l’accord israélo-palestinien de Wye River. Un épisode qui explique probablement l’image que Benyamin Netanyahu cultive depuis quatre ans : celle d’un homme qui sait dire « non » au président des Etats-Unis, quitte à se fâcher avec Barack Obama.

« Incurable pessimiste »

« La prochaine élection, c’est un peu comme une tragédie grecque : pas la peine d’attendre le dernier acte pour savoir que ça va mal se terminer ». L’homme qui se confie ainsi, attablé dans un café de Tel Aviv, s’appelle Etgar Keret, l’écrivain le plus emblématique de la jeune génération des auteurs israélien. Engagé à gauche, Etgar Keret s’intéresse depuis longtemps à Benyamin Netanyahu. Il y a 20 ans de cela, il avait même écrit une comédie musicale sur le mythe du héros en Israël. Les deux principaux personnages étaient… Benyamin Netanyahu et son frère Yonathan. Plus récemment, le quotidien israélien Haaretz a donné l’occasion à Etgar Keret de voyager avec le Premier ministre et de l’interviewer, durant une visite officielle en Italie en 2010.

« Il pense vraiment qu’Israël risque d’être annihilé, que nous sommes à la veille d’un nouvel Holocauste et qu’il est la seule personne qui peut empêcher cela, explique Etgar Keret. Donc si l’on parle d’une attaque sur l’Iran et qu’on lui dit que des milliers de personnes vont mourir à cause de cela en Israël, il vous répondra : " Ok, c’est vrai, mais le pays continuera à exister ". Je crois que c’est un incurable pessimiste, poursuit l’écrivain israélien, et quand vous pensez que les choses se passeront mal, il y a peu de chances pour que vous fassiez en sorte de les améliorer ».

Ligne rouge

La « menace iranienne » a dominé les quatre années que Benyamin Netanyahu vient de passer au pouvoir. A la télévision israélienne, ses clips de campagne le montrent chaque soir à la tribune du Congrès américain ou à celle des Nations unies, interpellant le monde sur la menace qu’un Iran doté de la bombe fait planer sur l’existence même d’Israël. Pendant quatre ans, le gouvernement Netanyahou a laissé entendre qu’il pourrait frapper les installations nucléaires iraniennes, si Téhéran poursuit ses travaux atomiques. Et en septembre dernier, à l’ONU, le Premier ministre israélien a tracé au feutre la « ligne rouge » qui représente, selon lui, le stade du danger. Un stade que l’Iran pourrait franchir « au printemps ou au plus tard à l’été » 2013 selon les mots de Benyamin Netanyahu.

Processus de paix bloqué

A part quelques timides séances de discussions en septembre 2010, les quatre années du mandat de Benyamin Netanyahu sont synonymes de blocage complet du processus de paix avec les Palestiniens. En 2009, le chef du gouvernement israélien avait pourtant suscité un certain espoir en affirmant pour la première fois de sa carrière qu’il acceptait l’idée d’un Etat palestinien (dans le discours dit « de Bar-Ilan » du nom de l’université où il a été prononcé). Il a ensuite ordonné un gel partiel de la construction dans les colonies pendant dix mois, avant de relancer les chantiers.

En Israël comme à l’étranger, beaucoup reprochent à Benyamin Netanyahu de n’avoir pas fait assez d’efforts pour permettre la reprise des négociations de paix. « Bilan catastrophique », assène l’ancien ambassadeur d’Israël en France Daniel Shek, aujourd’hui candidat sur la liste centriste Hatnua, dirigée par Tzipi Livni. « Netanyahu et le gouvernement ont essayé de créer une espèce de chimère de stabilité. Mais la réalité, elle, n’est pas immobile », explique l’ancien diplomate, qui s’inquiète de voir son pays s’abstenir de toute initiative et – du coup – subir celles des autres. Qu’il s’agisse du récent conflit à Gaza avec le Hamas palestinien ou de la démarche lancée par Mahmoud Abbas pour faire de la Palestine un Etat observateur non-membre de l’ONU. Comme d’autres, Daniel Shek, s’inquiète aussi de voir son pays « de plus en plus isolé » sur le plan diplomatique.

Indignés et déficit budgétaire

Durant son mandat, Benyamin Netanyahu a survécu politiquement à un mouvement social sans précédent, lorsque des centaines de milliers d’Israéliens sont descendus dans la rue, à l’été 2011, pour exiger davantage de justice sociale.

Plus récemment, un chiffre embarrassant vient de faire son apparition dans la campagne : le déficit budgétaire d’Israël en 2012 est près de deux fois plus important que prévu. Et les commentateurs de prédire « un mur budgétaire » et d’inévitables mesures d’austérité au prochain gouvernement.

Cette peau de banane économique a peu de chance de faire déraper Benyamin Netanyahu en route vers un nouveau mandat. En revanche, elle pourrait l’obliger à parler d’autre chose que de l’Iran.

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